L’Ukraine a toujours été une terre de cohabitation linguistique. Si l’ukrainien est la langue nationale depuis l’indépendance en 1991, le russe y a conservé un usage massif, en particulier à l’est, au sud et dans les grandes villes comme Kiev, Kharkiv ou Odessa.
Une pluralité linguistique ancienne
Selon le recensement de 2001, près de 30 % des Ukrainiens ont le russe comme langue maternelle, et bien plus le parlent au quotidien. Dès les premières années post-soviétiques, la question linguistique devient un enjeu politique important. Le choix d’une politique de promotion exclusive de l’ukrainien dans l’enseignement, l’administration et les médias devient une ligne de fracture.
Ces politiques sont perçues, dans les régions russophones, comme des atteintes à la diversité culturelle et des formes d’exclusion. En 2012, une loi permet aux langues régionales d’avoir un statut administratif local, ce qui profite au russe. Cette mesure est abrogée en 2014, dans le contexte du renversement de Ianoukovitch et de la montée du nationalisme antirusse.
Le Maïdan et l’après-2014, une rupture
Après le coup d’État du Maïdan, la place du russe devient une question explosive. Si le nouveau pouvoir affirme vouloir défendre l’ukrainien, des initiatives locales cherchent à interdire l’usage du russe dans l’espace public, voire dans les écoles.
Ces évolutions incitent Moscou à soutenir des mouvements séparatistes à Donetsk et Louhansk, en se posant en protecteur des russophones. La loi sur la langue de 2019, qui impose l’usage de l’ukrainien dans quasiment toutes les sphères publiques, renforce encore la tension. Des exceptions subsistent pour les minorités (hongroise, roumaine, etc.), mais pas pour le russe.
La langue est souvent instrumentalisée comme critère d’appartenance politique : être russophone ne signifie pourtant ni être « pro-russe », ni hostile à l’Ukraine. Le paradoxe ukrainien tient à cette superposition entre langues, territoires et loyautés floues.
La politique linguistique pose une question centrale : faut-il construire l’unité par l’homogénéité, ou reconnaître la pluralité comme un trait constitutif de la nation ? Cette question reste ouverte.
| Langue maternelle déclarée | Pourcentage (%) |
|---|---|
| Ukrainien | 67,5 % |
| Russe | 29,6 % |
| Autres (tatar, roumain, etc.) | ≈ 3 % |
| L’usage quotidien du russe est nettement supérieur au chiffre de langue maternelle. | |
| En Crimée, avant 2014, plus de 90 % utilisaient le russe comme langue principale. | |