Cette mesure symbolise l’épuisement du vivier humain ukrainien, dans un conflit poussé jusqu’au point de rupture.
Mobilisation extrême, armée à bout de souffle
Depuis le début du conflit, l’Ukraine a vu fondre ses effectifs. Les pertes humaines et le nombre de blessés sont estimés, selon plusieurs sources, à plusieurs centaines de milliers. Des chiffres niés officiellement, mais jugés crédibles par de nombreux observateurs. La rotation des troupes est devenue quasi impossible, et certaines unités affichent des taux d’attrition de 40 à 50 %.
Face à ce qu’un général ukrainien appelle désormais le « point Oméga » – seuil critique où le renouvellement des troupes est inférieur aux pertes – l’état-major a adopté des mesures radicales. Après avoir abaissé l’âge de conscription à 25 ans, Kiev a décidé en juillet la possibilité de mobiliser les hommes de plus de 60 ans.
Cette mesure rarissime, dans une armée moderne, fait écho au Volkssturm allemand de 1944 : une levée désespérée de civils vieillissants et adolescents pour défendre un front effondré. L’analogie ne porte pas sur le régime, mais sur l’épuisement d’un État poussé à l’extrême par la logique de guerre totale.
Sur le terrain, pourtant, les soldats ukrainiens continuent de combattre avec un courage acharné, tenant des positions impossibles dans des conditions souvent épuisantes. C’est précisément ce courage – et les pertes qu’il entraîne – qui soulignent l’irresponsabilité de ceux qui, à Kiev comme à Washington, ont voulu mener cette guerre « jusqu’au dernier Ukrainien ».
La mobilisation des sexagénaires sonne désormais comme un signal d’alerte. Il faudra bien, tôt ou tard, ouvrir des négociations réelles pour éviter l’effondrement total.
Chute démographique et désertions de masse
L’effondrement militaire s’inscrit dans un cadre démographique lui-même catastrophique. Depuis 2021, la population de l’Ukraine est passée de 43,5 à 33,7 millions. Le taux de natalité a chuté de 45 % en trois ans ; le taux de fécondité, déjà très faible (1,16), ne cesse de reculer. Les jeunes hommes sont soit morts, soit partis, soit dissimulés pour éviter la conscription. Les 20-30 ans ne représentent plus que 3,2 % de la population masculine.
Ce déficit s’accompagne d’une fuite massive : plus de 6 millions de réfugiés civils, essentiellement femmes et enfants, ont quitté le pays depuis février 2022.
Les désertions, quant à elles, explosent. Jusqu’à 150 000 hommes auraient quitté leur unité depuis 2024, selon des sources proches du ministère de la Défense. Des procédures pénales sont engagées, mais de nombreux officiers déclarent les soldats disparus au combat pour masquer la réalité.
Les méthodes de mobilisation deviennent de plus en plus coercitives : « rafles » dans les rues, descentes dans les entreprises, traque des réfractaires. Pour beaucoup, l’alternative est devenue binaire : fuir, se cacher ou mourir au front. Le vivier humain est en voie d’épuisement — et l’armée aussi.
Ce que nous écrivions déjà…
« Le vivier humain ukrainien s’effondre à mesure que la guerre s’éternise », alertait Liberté Actus en 2024. À ce moment-là, la baisse de l’âge de la conscription était à l’agenda, et les premières statistiques sur les désertions massives commençaient à fuiter.
En avril, nous écrivions : « Quand les volontaires manquent, la guerre devient coercitive ». Rafles, traques dans les gares, falsification des certificats médicaux… Tout montrait que le rapport entre l’État et sa population basculait d’un contrat patriotique à une gestion autoritaire de la chair à canon.
La mobilisation des plus de 60 ans aujourd’hui ne tombe pas du ciel : elle s’inscrit dans une dynamique d’épuisement humain que nous avons décrite depuis plus d’un an.