Sur le terrain, les lignes reculent, les désertions se multiplient, et le discours politique s’enferme dans une logique sacrificielle : « tenir jusqu’au dernier Ukrainien ».
Mobilisation élargie des jeunes aux seniors
Depuis mai 2024, l’âge légal de mobilisation est passé de 27 à 25 ans. Cette réforme, votée par le Parlement et promulguée par Zelensky, vise à compenser les pertes massives subies depuis 2022. Les jeunes hommes doivent désormais mettre à jour leurs données militaires, passer une visite médicale et se tenir prêts à l’enrôlement. En parallèle, des projets émergent pour inciter les moins de 25 ans à s’engager volontairement, via des contrats courts et des primes financières. Si aucune loi ne les oblige encore à rejoindre les rangs, le débat est lancé, et les pressions sociales s’intensifient.
À l’autre extrémité du spectre, une loi signée en juillet 2025 autorise désormais les citoyens de plus de 60 ans à s’engager volontairement pour la durée de la guerre. Ces seniors peuvent signer des contrats d’un an renouvelables, sous réserve d’un avis médical favorable et de l’approbation militaire. Affectés à des rôles non combattants — logistique, encadrement, soutien technique — ils incarnent une mobilisation totale de la société ukrainienne, au milieu d’une saignée démographique.
Recul militaire et discours sacrificiel
Sur le front, les lignes ukrainiennes s’effritent. À Pokrovsk, Dobropillia ou Avdiïvka, les Russes avancent, profitant des « trous » dans les défenses. Le rapport de force devient écrasant : jusqu’à dix soldats russes pour un seul ukrainien dans certaines zones. Les désertions explosent — plus de 15 000 en huit mois — et les troupes se retirent parfois dans le désordre.
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Face à cette impasse, le discours politique se radicalise. Le slogan « jusqu’au dernier Ukrainien » n’est plus une caricature, mais une réalité perçue par une partie de la population. L’idée d’une guerre totale, sans perspective de paix, s’installe. L’armée peine à recruter, malgré les affiches, les spots radio et les plateformes numériques. La mobilisation devient une guerre dans la guerre.
Une jeunesse en fuite
Depuis l’abaissement de l’âge légal de mobilisation à 25 ans, les jeunes hommes âgés de 22 à 25 ans sont particulièrement ciblés par les centres de recrutement. Beaucoup cherchent à fuir, se cachent ou quittent le pays illégalement. Les contrôles dans les rues, les gares et les bars se multiplient, menés par la TCK (Centre territorial de recrutement), une unité redoutée qui procède à des arrestations brutales.
Face à cette pression, le gouvernement a assoupli la loi martiale en août 2025, autorisant les 18 à 22 ans à quitter légalement le pays. Cette mesure a été saluée par les familles, qui avaient souvent envoyé leurs fils à l’étranger avant leurs 18 ans, dans l’espoir de les protéger d’une mobilisation future. Les classes de terminale comptent désormais « presque uniquement des filles », selon un député ukrainien, illustrant l’ampleur de l’exode masculin.
Malgré les incitations financières proposées pour un engagement volontaire des 18-24 ans, peu répondent à l’appel. Le sentiment dominant est celui d’une guerre sans issue, où « les gens ne veulent pas mourir pour une cause perdue ».