Récession, désindustrialisation, défaite d’une stratégie énergétique jusqu’à peu montrée en exemple ; les difficultés allemandes semblent loin d’être une simple « mauvaise passe ». Décryptage.
L’Allemagne se réveille avec la gueule de bois
La crise couvait depuis longtemps. Durant les « années covid », les dirigeants allemands se sont certainement rassurés par l’idée que toutes les économies du continent étaient engluées dans d’atroces difficultés. En 2020, après des années de croissance, le pays découvrait avec stupéfaction un PIB négatif. Une « mauvaise passe ». Mais rebelote ! En 2023 et en 2024, Berlin enchaîne deux années de récession, avec toutes les conséquences que l’on imagine. La sonnette était tirée par des voix que l’on entendait que trop peu : la première économie de l’Union européenne et le troisième plus grand exportateur de biens derrière les États-Unis et la Chine s’effondrait.
Comme un symbole de ce « choc », un matin de septembre 2024, Volkswagen annonce engager un « plan d’économie ». Licenciements massifs, fin d’un accord de sauvegarde de l’emploi vieux de 30 ans et, cerise sur le gâteau, la possible fermeture de trois usines sur les 10 que compte le groupe outre-Rhin. Il faut comprendre ce que cela veut dire pour un Allemand. Volkswagen, plus grand constructeur automobile européen, représente à la fois la renaissance économique de l’après-guerre et l’entrée réussie dans la mondialisation. La réussite à l’allemande, l’empire industriel et la « Deutsche Qualität » ; tout cela met un genou à terre.
Plus encore, il faut comprendre ce que représente aujourd’hui l’industrie dans ce pays. Le siège de Volkswagen, à Wolfsburg, emploie 60 000 salariés. Près d’un demi-million de voitures y ont été produites l’an passé. La commune abrite quelque 120 000 habitants. Avec les sous-traitants, ils sont 90 000 à travailler dans l’automobile. Construite en 1938 sous le règne des nazis, cette usine est la plus grande d’Allemagne et s’étend sur quelque 6,7 km². Depuis les annonces du groupe, là-bas comme dans les autres sites disséminés à travers le pays, le ton monte et les grèves éclatent. Des scènes auxquelles ne sont plus habitués les Allemands, adeptes depuis bien longtemps de la « cogestion ». Malheur à celui qui croit que cela n’aura pas de fortes incidences sur les élections de dimanche.
Des sondages à prendre avec des pincettes
Dans les sondages, viennent en tête l’alliance CSU/CDU (droite démocrate, chrétienne et conservatrice) et l’AfD (extrême droite) mais les commentateurs allemands précisent que, particulièrement cette fois-ci, les intentions de votes peuvent évoluer très rapidement. Le SPD obtiendrait 16 % des intentions de vote, suivi par les Verts avec 13 % et Linke avec 7 %. Le FDP (parti des Libres démocrates, libéraux) se situe à 5 %, et le BSW (Sahra Wagenknecht), à 4 %.
En plus de l’industrie, l’une des premières observations dans ces sondages, c’est le poids qu’obtiennent, sur l’ensemble du spectre politique, les forces qui ont durci leur discours sur la nécessité d’en finir avec un conflit entre la Russie et l’Ukraine qui n’a que trop pesé sur les économies européennes. Il faut dire que l’Allemagne a tout spécialement souffert de cette guerre, notamment en matière énergétique.