L’infrastructure moderne du marché mondial des céréales a été mise en place après la Seconde Guerre mondiale lorsque les États-Unis étaient le principal fournisseur de blé et de maïs. Cela a pour conséquence encore aujourd’hui que les références du marché sont orientées à partir des indicateurs du Chicago Mercantile Exchange (CME) et utilisent massivement le dollar comme monnaie de compensation. Cette prééminence du dollar et du CME empêchent les BRICS+ de participer à la fixation des prix des produits agricoles. Cette exposition à des manipulations de la part des pays tiers alors que les BRICS+ sont les plus grands exportateurs et consommateurs de céréales irrite fortement l’organisation des pays émergents.
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Stopper les manipulations spéculatives des prix agricoles
La future bourse céréalière voulue par Moscou réunirait les principaux acheteurs et fournisseurs selon les responsables Russes. Cette initiative de nouvelle bourse céréalière de la première puissance agricole au monde est fortement soutenue par le président Vladimir Poutine. Pour de nombreux acheteurs et fournisseurs de céréales, la fixation des prix dans les salles de marché se télescope à des collusions préliminaires des revendeurs et d’informations inexactes et opaques. C’est par ce marché de Chicago toujours plus volatil et spéculatif que transitent 90 % des céréales produites dans le monde. Quatre grandes multinationales, le « Big Four », appelés les ABCD, dominent le marché mondial avec des profits faramineux. Même si elles règnent sur le marché, elles commencent sérieusement à se faire concurrencer par des groupes asiatiques.
Sécurité alimentaire
On comprend dès lors que des pays aux niveaux de vie différents et aux monnaies volatiles décident de réguler eux-mêmes sur les bases de relations transparentes et sécurisantes. Les experts agricoles des pays des BRICS+ estiment que cette initiative renforcera la sécurité alimentaire de chaque nation membre, comme l’Égypte qui voit en cela le meilleur moyen d’éviter les émeutes liées à la faim.
On comprend mieux les enjeux pour les pays du sud qui espèrent que cette bourse sera le moyen d’atténuer fortement les incertitudes et permettra de garantir une stabilité des livraisons. Ce projet marquera le début de la deuxième vague d’indépendance des pays émergents, où les échanges de marchandises seront réglés en monnaie nationale ou dans une unité de compte des BRICS+.
Voilà donc pour les BRICS+ une nouvelle affirmation d’indépendance sur la question existentielle du marché des céréales. Un autre aspect d’une dédollarisation qui ne fera que croître, certes lentement, mais de manière inexorable. Le même processus est en cours sur les questions des hydrocarbures et plus globalement des énergies. Signe avant-coureur de la transformation globale du commerce mondial. Cet important projet de bourses des céréales n’est qu’un début au grand désespoir des « Big Four ».
Un poids considérable des BRICS+, bien décidés à échapper à l’emprise et la manipulation politique du Dollar.
- A pour Archer Daniels Midland, ADM, multinationale américaine de l’agro-industrie, dont le chiffre d’affaires est estimé à 80 milliards de Dollars.
- B pour Bunge, multinationale américaine, 53 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
- C pour Cargill, multinationale américaine dont le chiffre d’affaires est estimé à plus de 150 milliards de dollars.
- D pour Dreyfus Louis, multinationale franco-suisse, 60 milliards de chiffre d’affaires.
Ces Big Four sont les quatre plus grosses entreprises de négoce et de l’agro-industrie au monde. Elles sont très critiquées pour leur opacité, mais surtout à cause de leur toute-puissance sur le marché des céréales, marché stratégique qui conditionne la sécurité alimentaire de nombreux pays du sud. Ces "quatre mousquetaires", autre appellation des ABCD, détiennent une arme importante, la capacité de stockage et de transport qui leur permet de spéculer sur les marchés.
La pratique la plus décriée des Big Four est celle qui contribue à financiariser toujours plus le marché des céréales en bloquant même les stocks pour créer des pénuries et jouer sur les cours des marchés avant de revendre aux prix les plus juteux.