Face à ces défis, Pékin mise sur la diversification de ses approvisionnements, l’innovation technologique et des réformes agricoles pour assurer son autonomie à long terme.
Une autosuffisance fragile
Avec plus de 650 millions de tonnes de céréales produites par an, la Chine est le premier producteur mondial. Pourtant, cette autosuffisance reste relative. La hausse du niveau de vie et l’évolution des habitudes alimentaires, marquée par une consommation plus forte de viande et de produits transformés, amplifient la demande en soja et en maïs, essentiels pour l’élevage.
À cela s’ajoutent des contraintes environnementales ; l’urbanisation galopante réduit les surfaces agricoles, tandis que la désertification, la surexploitation des nappes phréatiques et les effets du changement climatique menacent les rendements. Dans ce contexte, la Chine doit, chaque année, importer des millions de tonnes de céréales, notamment depuis les États-Unis, le Canada et l’Australie. Cette dépendance aux marchés occidentaux l’expose à des risques géopolitiques, comme l’ont montré les tensions commerciales avec Washington sur les télécommunications.
Diversification des approvisionnements
Pour sécuriser son accès aux ressources agricoles, Pékin adopte une stratégie de diversification. La Russie est devenue un partenaire clé : un accord prévoit la fourniture de 70 millions de tonnes de produits agricoles sur 12 ans. L’empire du milieu investit aussi dans des terres arables en Afrique, en Amérique latine et en Asie centrale, lui garantissant un approvisionnement stable hors des circuits occidentaux.
Dans cette dynamique, les BRICS ont récemment lancé une bourse aux céréales pour répondre aux défis alimentaires communs. Cette initiative vise à réguler les échanges agricoles entre les membres (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) en contournant les marchés traditionnels dominés par l’Occident. Cette bourse devrait permettre de stabiliser les prix, améliorer la transparence des flux commerciaux et renforcer la sécurité alimentaire du bloc. Par ailleurs, la Chine développe ses infrastructures portuaires et logistiques pour réduire les vulnérabilités de ses chaînes d’approvisionnement. Pékin s’efforce ainsi de limiter les chocs extérieurs qui pourraient affecter sa sécurité alimentaire.
Mais le pays ne mise pas seulement sur l’importation : elle investit massivement dans l’agriculture de précision. L’utilisation de drones, d’intelligence artificielle et de biotechnologies permet d’optimiser les rendements agricoles et d’améliorer la résilience face aux conditions climatiques extrêmes.
L’édition génétique et les OGM sont également des axes stratégiques. Pékin cherche à développer des variétés de riz et de blé plus résistantes aux maladies et à la sécheresse.
Par ailleurs, la transition alimentaire joue un rôle clé. La Chine encourage la consommation de protéines alternatives, telles que les substituts végétaux et la viande cultivée en laboratoire, pour réduire sa dépendance aux importations de soja destinées à l’élevage. Ces innovations pourraient, à terme, transformer le paysage agroalimentaire chinois.
Deux scénarios se dessinent pour l’avenir. Le premier, optimiste, c’est que grâce aux avancées technologiques et aux partenariats agricoles internationaux, la Chine réduit progressivement sa dépendance aux importations et stabilise son marché intérieur. Le second scénario, plus incertain, repose sur les tensions géopolitiques qui risquent de s’intensifier, tout comme le réchauffement climatique qui perturbe les récoltes. Pékin devra alors multiplier ses importations, renforçant la compétition mondiale pour les ressources agricoles.
Les chiffres clés de la sécurité alimentaire en Chine et en Inde
1,4 milliard d’habitants : la Chine doit nourrir 18 % de la population mondiale.
Plus de 650 millions de tonnes : production annuelle de céréales en Chine.
70 millions de tonnes : quantité de produits agricoles que la Russie fournira à la Chine sur 12 ans.
200 millions de personnes : nombre d’Indiens souffrant de malnutrition.
40 % : proportion de la production alimentaire perdue en Inde chaque année en raison du gaspillage.
Les notions de l’ONU en matière de sécurité alimentaire
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) définit la sécurité alimentaire comme un état où tous les individus ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, sûre et nutritive pour mener une vie active et saine.
Elle repose sur quatre piliers fondamentaux :
- Disponibilité : la production alimentaire doit être suffisante pour répondre à la demande.
- Accès : les populations doivent avoir les moyens économiques et physiques de se nourrir.
- Utilisation : les denrées doivent être consommées de manière à garantir une bonne nutrition.
- Stabilité : l’approvisionnement doit être régulier et ne pas dépendre de fluctuations brutales.