Le corridor de Zanguezour, au cœur de la province arménienne du Syunik, est bien plus qu’un simple axe de transport. Pour l’Azerbaïdjan et la Turquie, il incarne une vision panturque : relier la Turquie à l’Asie centrale, en contournant l’Iran. Ce projet, soutenu par Ankara et désormais officiellement par Washington, s’inscrit dans une dynamique d’expansion géopolitique visant à renforcer l’influence turco-azerbaïdjanaise dans le Caucase et autour de la mer Caspienne.
Un carrefour géopolitique
Le Nakhitchevan est une exclave de l’Azerbaïdjan, séparée du reste du pays par le territoire arménien. Pour relier Bakou au Nakhitchevan, il faut traverser la province arménienne du Syunik, une bande de terre montagneuse située entre l’Iran et l’Azerbaïdjan. Ce passage est donc crucial pour l’Azerbaïdjan, qui souhaite établir une continuité territoriale sans dépendre de l’Iran.
Un corridor, des ambitions
Mais cette stratégie repose aussi sur une pression constante exercée sur l’Arménie, considérée comme un verrou à faire sauter. Elle s’appuie, selon plusieurs observateurs, sur des relais régionaux liés à des forces islamistes et terroristes, qui soutiennent activement des mouvements séparatistes dans le Caucase et en Asie centrale. L’objectif : affaiblir les États non alignés et remodeler les équilibres régionaux au profit d’un axe turco-occidental.
L’Azerbaïdjan, en quête de légitimité stratégique, cherche à s’imposer comme un pivot de l’OTAN dans une zone d’influence historiquement partagée par la Russie et l’Iran. En parallèle, les États-Unis, sous l’impulsion de Donald Trump, préparent une rencontre trilatérale avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. L’idée serait de négocier un accord autour d’un « pont Trump », infrastructure de 43 kilomètres sous souveraineté arménienne mais exploitée par une société américaine.
L’Iran isolé, l’Arménie sous pression
Ce projet inquiète profondément l’Iran, qui y voit une tentative de rupture de son lien terrestre avec la Russie et l’Arménie. Le corridor de Zanguezour pourrait ainsi concurrencer l’axe stratégique Iran–Inde–Russie, fondé sur le corridor de transport international Nord-Sud. En redessinant les flux commerciaux et énergétiques, Bakou et Washington cherchent à marginaliser Téhéran et Moscou dans le jeu eurasiatique.
Côté arménien, les critiques fusent. L’opposition accuse Pachinian non seulement de céder aux pressions occidentales, mais surtout de plier face à Washington. Le Syunik, dernier rempart entre l’Iran et le Caucase, devient le symbole d’une Arménie prise en étau entre ambitions étrangères et fragilités internes. Pour certains analystes, les concessions envisagées par Erevan relèvent davantage d’une stratégie électorale que d’un calcul diplomatique.
Face à cette offensive, une réponse régionale s’organise. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui regroupe la Chine, la Russie, l’Iran, l’Inde et plusieurs États d’Asie centrale, se réunit prochainement pour renforcer sa coordination. L’OCS, fondée sur la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme religieux, pourrait devenir un contrepoids à l’influence croissante de l’axe turco-occidental dans la région. On comprend mieux pourquoi l’Arménie frappe à la porte de l’OCS.
Comprendre le lien stratégique : Azerbaïdjan, Nakhitchevan et Syunik
Un enjeu de souveraineté et de transit
Le projet de corridor vise à créer une voie de transport directe sous contrôle azerbaïdjanais ou occidental, ce qui soulève des inquiétudes en Arménie sur une possible perte de souveraineté. Historiquement, une ligne ferroviaire soviétique reliait ces territoires, mais elle a été abandonnée après la guerre du Karabagh.
Pourquoi ce corridor est-il si sensible ?
Ce tronçon de 43 kilomètres est devenu un levier stratégique pour redessiner les routes commerciales et énergétiques entre l’Europe, l’Asie centrale et le Moyen-Orient, tout en affaiblissant les corridors concurrents soutenus par l’Iran, la Russie et l’Inde.
