Pas moins de vingt et un scénarios ont été minutieusement examinés par le département de la Défense états-unien. Aucun ne donne l’armée américaine victorieuse d’un affrontement avec les forces chinoises. Retards technologiques, incapacité à tenir la cadence, mauvais investissements stratégiques : tout y passe.
Le New York Times décrit des officiels américains horrifiés, presque sous le choc. À la lecture du rapport, un responsable de l’administration aurait pâli avant de concéder que « pour chaque astuce que nous avions dans notre manche, les Chinois disposent de solutions de rechange à répétition ».
Gagner sans combattre, une vieille leçon chinoise
Dès lors, comment ne pas revenir aux auteurs chinois classiques, qui recommandaient de tout faire pour éviter l’affrontement direct avec l’ennemi ? Ceux qui, il y a des siècles déjà, avertissaient qu’un choc frontal est toujours risqué et destructeur.
Ceux pour qui « tout l’art de la guerre consiste à priver l’adversaire de ses capacités, à les miner de l’intérieur avant même que l’engagement ait lieu, de sorte qu’il s’effondre de lui-même, privé de toute force morale ». Une formulation reprise notamment par Anatoli Karpov et Jean-François Phelizon dans Psychologie de la bataille (Éditions Economica, 2004).
Pour Sun Tzu, le général avisé n’est pas celui qui remporte cent victoires sur le champ de bataille, mais celui qui gagne sans combattre.
Ce détour par l’histoire n’a rien d’anecdotique. On peut constater, sans exagérer, que les enseignements de Sun Tzu se retrouvent aujourd’hui dans un socialisme chinois qui a démontré sa supériorité de multiples façons. Technologiquement et industriellement avant tout.
C’est précisément là que le bât blesse pour la Maison-Blanche. Ni les efforts colossaux consentis pour maintenir à flot une armée ayant déjà fait cent fois le tour du monde, ni les sommes astronomiques injectées dans le complexe militaro-industriel ne lui permettent de surmonter « l’obstacle chinois ».
Industrie, volume et saturation contre symboles technologiques
Le rapport du Pentagone pointe notamment l’inefficacité potentielle du porte-avions USS Gerald R. Ford face aux quelque 600 missiles hypersoniques chinois. Ce mastodonte des mers, capable d’embarquer près de 5 000 soldats et plusieurs escadrons d’avions de chasse, pourrait ne jamais atteindre Taïwan. Les simulations montrent qu’il serait systématiquement coulé ou mis hors de combat par des salves coordonnées dès les premières phases du conflit.
Un désastre pour Washington, qui a investi plus de 13 milliards de dollars dans ce seul bâtiment. Un cauchemar même. L’US Navy prévoit d’en construire au moins neuf autres dans les décennies à venir, avec la quasi-certitude qu’ils ne produiront pas de résultats différents.
Car les États-Unis se heurtent à deux problèmes structurels, qui font naître le doute quant à leur domination militaire.
Le premier est stratégique. Le rapport met en cause une doctrine fondée sur un petit nombre de plateformes ultra-sophistiquées et hors de prix, face à une Chine qui mise sur le volume, la dispersion et la saturation.
Le second est industriel. Le document confirme l’incapacité de la base industrielle de défense américaine à soutenir un conflit prolongé contre la Chine – et peut-être aussi contre la Russie. Le département de la Défense ne s’y trompe pas lorsqu’il appelle à une montée en cadence industrielle plutôt qu’à un surinvestissement dans quelques symboles technologiques.
Bien sûr, seule une boule de cristal pourrait affirmer qu’un conflit n’aura jamais lieu. Mais à défaut, on peut se réjouir à l’idée qu’une confrontation d’une telle ampleur – et du désastre humain qu’elle impliquerait – pourrait bien être évitée. Au grand dam, peut-être, de ceux qui ne savent plus quel ennemi inventer.