Si Donald Trump peut s’enorgueillir d’un « beautiful deal » acté ce jeudi en marge du sommet de l’APEC, il aura bien du mal à cacher les concessions faites à Pékin. Lui qui, dans son livre Time to Get Tough, accusait Barack Obama de pratiquer une « diplomatie du s’il vous plaît » vis-à-vis de la Chine, se retrouve logé à la même enseigne.
Les faucons républicains, la branche la plus anti-chinoise de son camp, sont d’ores et déjà sur les dents.
Un accord sous contrainte
Mais avait-il le choix ? Malgré les slogans et les mesures « chocs », le président américain sait qu’une guerre commerciale prolongée avec la Chine pourrait faire plonger l’économie états-unienne. En témoignent les principaux points évoqués lors de ces négociations : terres rares, semi-conducteurs, fentanyl et soja.
Ces mois de négociations, menées plus ou moins secrètement, se sont déroulés dans un contexte bien différent de celui du premier mandat de Trump.
Entre 2019 et 2025, la Chine a priorisé la sécurisation de ses chaînes de valeur. Dit autrement, elle a considérablement réduit les risques pour son industrie en cas de « découplage » avec les États-Unis. D’une pierre deux coups, elle s’est rendue indispensable dans plusieurs secteurs stratégiques, détenant 90 % des capacités mondiales de raffinage des terres rares. Une mainmise construite par quarante années de planification et d’efforts industriels résolus.
Derrière le « beautiful deal », un recul de Washington
Quand Donald Trump parle d’un « beautiful deal », Xi Jinping évoque prudemment un « consensus ». Car, pour l’heure, ces négociations ressemblent davantage à un pas en arrière de Washington. Pour Pékin, rien d’autre que la levée des mesures prises en réponse à l’attaque américaine.
La Maison-Blanche s’est donc engagée à lever « immédiatement les droits de douane sur les produits chinois » de 10 points de pourcentage. En échange, Pékin reprendra ses achats de soja américain. La République populaire avait stoppé ses importations en début d’année, en pleine guerre commerciale. Un coup dur pour l’Oncle Sam qui, en 2023 et en 2024, avait exporté pour près de 18 milliards de dollars de soja vers la Chine.
Preuve de leur capacité à tenir tête aux États-Unis, les autorités chinoises avaient immédiatement diversifié leur approvisionnement, notamment avec le Brésil et l’Argentine.
Les terres rares, principal sujet de friction, ne sont pas en reste. Pékin devrait suspendre pour un an son mécanisme de contrôle à l’exportation, qui avait mis en alerte en quelques jours à peine tout un pan de l’industrie américaine, de l’automobile à la défense.
Mais pas question pour le Parti communiste chinois de laisser du répit à la Maison-Blanche. Si Donald Trump espère gagner du temps pour préparer sa prochaine offensive commerciale, « il se fourvoie largement » note la presse chinoise.
Une trêve prudente, des désaccords persistants
Du côté chinois, la réaction est plus calme et nuancée. D’emblée, Xi Jinping a déclaré à son homologue américain qu’il est « normal que les puissances aient des frictions de temps en temps […] mais que le développement et le renouveau de la Chine ne sont pas incompatibles avec l’objectif du Président Trump de ‘’rendre sa grandeur à l’Amérique’’ ».
De nombreux sujets restent sur la table et appellent d’ores et déjà à de nouvelles rencontres. Rien n’est décidé concernant les nouveaux droits portuaires américains sur les navires chinois, instaurés par Washington pour freiner la domination de Pékin dans la construction navale.
Rien de précis non plus sur le dossier Nvidia. Le président américain semble avoir botté en touche, se désolidarisant des discussions sur la vente de puces en Chine et renvoyant la responsabilité à l’entreprise.
Une première avancée vers davantage de stabilité dans le commerce mondial, après les frasques de la Maison-Blanche.
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Ces derniers mois, signe d’une nouvelle donne, la Chine a intensifié ses échanges avec d’autres zones économiques, notamment l’ASEAN, avec laquelle une nouvelle zone de libre-échange est en discussion. Pendant que Pékin prépare son XVe plan quinquennal, les États-Unis, eux, vivent au rythme d’un shutdown historique.
Plus que jamais, les courbes se croisent.