Analyse des enjeux d’un système monétaire en pleine transformation.
La Chine, géant des réserves de change mondiales
Avec près de 27 % des réserves mondiales, la Chine est un acteur incontournable. Son statut d’« usine du monde » et son excédent commercial colossal lui ont permis d’accumuler des réserves gigantesques. Mais cette accumulation connaît des fluctuations. En 2022, la crise en Ukraine a entraîné une baisse significative des réserves mondiales, y compris celles de la Chine. Cette baisse s’explique par une combinaison de facteurs : la chute des exportations, la dépréciation du yuan, et les interventions de la Banque Populaire de Chine pour stabiliser sa monnaie. Malgré un rebond en 2024, le dernier trimestre de l’année a vu une nouvelle baisse.
La Chine ne se contente plus d’accumuler des réserves. Elle investit massivement à l’étranger, notamment dans le cadre de son initiative des « Nouvelles Routes de la Soie ». Elle limite ainsi l’accumulation de devises étrangères.
Parallèlement, elle promeut activement l’utilisation du yuan dans les transactions internationales. En 2023, pour la première fois, le yuan a dépassé le dollar dans les transactions transfrontalières chinoises. Cette stratégie vise à réduire la dépendance au dollar et à renforcer le rôle international du yuan, une ambition clé de Pékin. Cependant, cette montée en puissance du yuan reste limitée par des obstacles structurels, comme la convertibilité partielle de la monnaie chinoise et la méfiance des marchés internationaux.
Déclin du dollar et échec de l’euro
Le dollar reste la principale devise de réserve mondiale, mais son hégémonie s’érode. Sa part dans les réserves mondiales est passée de 70 % en 2000 à 60 % en 2024. Cette érosion reflète un mouvement de dédollarisation, notamment initié par les pays des BRICS. Ces derniers cherchent à réduire leur dépendance et à promouvoir des alternatives, comme le yuan ou même des cryptomonnaies nationales. La Russie, par exemple, a considérablement réduit ses réserves en dollars depuis les sanctions occidentales de 2022, se tournant vers l’or et le yuan.
L’euro, quant à lui, n’a pas réussi à s’imposer comme une devise internationale dominante. Sa part dans les réserves mondiales est de 21 %, inférieure à celle des devises européennes combinées avant sa création. En 1995, l’écu, le franc et le mark représentaient ensemble une part plus importante que l’euro aujourd’hui. Ce relatif échec s’explique par plusieurs facteurs, notamment les crises successives dans la zone euro (crise de la dette, Brexit). L’euro souffre également de la concurrence du dollar, qui reste la monnaie de référence pour les transactions internationales et les matières premières.
La dédollarisation, bien qu’encore limitée, pourrait s’accélérer dans les années à venir. Les pays émergents cherchent à diversifier leurs réserves et à réduire leur exposition aux sanctions américaines. La Chine, en particulier, joue un rôle central dans ce mouvement, en promouvant le yuan et en développant des infrastructures financières alternatives, comme le système de paiement transfrontalier CIPS (Cross-Border Interbank Payment System).
Réserves de change : qu’est-ce que c’est ?
Les réserves de change d’une banque centrale sont constituées de ses avoirs en devises étrangères et en or. Elles servent à rassurer les marchés financiers, à réguler le taux de change de la monnaie nationale, et à faire face à des chocs économiques. Elles reflètent également la santé du commerce extérieur d’un pays.
Par exemple, un pays exportateur comme la Chine accumule naturellement des réserves importantes grâce à ses excédents commerciaux. À l’inverse, un pays importateur net verra ses réserves diminuer. Les réserves de change sont donc un indicateur clé de la stabilité économique et de la confiance des investisseurs.