Connecté à seize pays d’Asie et du Moyen-Orient, ce dispositif technologique contourne le système SWIFT, dominé par les États-Unis, et offre une alternative crédible au dollar. Une révolution aux implications géopolitiques majeures.
Une offensive technologique et géostratégique
Le 17 mars 2025, la Banque populaire de Chine (PBOC) a officialisé l’extension de son infrastructure de paiement en e-CNY, intégrant les dix membres de l’ASEAN et six États du Golfe. Ce réseau permet des transactions instantanées (7 secondes contre 3 jours via SWIFT) et réduit les coûts de 98 %. Avec 38 % du commerce mondial déjà concerné, Pékin capitalise sur les craintes des pays émergents face aux sanctions américaines, comme celles infligées à la Russie ou à l’Iran.
L’objectif est clair : éroder l’hégémonie du dollar, qui représente encore 57,8 % des réserves mondiales en 2024, contre 73 % en 2001. Les pays du Golfe, pourtant alliés traditionnels de Washington, diversifient désormais leurs réserves vers le yuan et l’or. La Chine affirme que 200 pays (87 % du globe) ont adopté ou testé son système, avec un volume de transactions atteignant 1 200 milliards de dollars.
Les ressorts de la dédollarisation
La dépendance au dollar expose les économies à des risques géopolitiques criants. L’exclusion de l’Iran de SWIFT en 2012 avait provoqué un effondrement de 30 % de son commerce extérieur. En réponse, le e-CNY offre un cadre stable et souverain, où les États-Unis n’ont aucun pouvoir de veto.
Pékin mise aussi sur des partenariats clés : l’Arabie saoudite accepte désormais des paiements pétroliers en yuan, tandis que les BRICS+ envisagent une monnaie commune adossée aux MNBC. Cette dynamique s’inscrit dans une stratégie plus large d’internationalisation du yuan, initiée après la crise financière de 2008.
Plus qu’un signal, c’est un basculement. La dédollarisation entre dans une phase active, systémique, fondée sur une technologie de rupture.
Swift, MNBC, et la souveraineté financière
Swift est un réseau de messagerie interbancaire mondial, utilisé pour transmettre les ordres de paiement entre banques. Il ne traite pas directement les fonds mais facilite la communication sécurisée entre institutions financières. Swift est au cœur du système financier international, avec plus de 11 000 membres dans 200 pays. Or, la domination du dollar y confère aux États-Unis un pouvoir d’exclusion, transformant Swift en instrument de sanctions.
Pour échapper à cette dépendance, les banques centrales développent leurs propres monnaies numériques (MNBC). Il s’agit de devises officielles, dématérialisées, centralisées et régulées. Contrairement aux cryptomonnaies, elles sont émises par l’État. Le yuan numérique chinois (e-CNY) est le plus avancé au monde, conçu pour fonctionner dans un réseau parallèle aux infrastructures traditionnelles. Il permet des paiements instantanés, traçables et peu coûteux, ce qui renforce l’autonomie financière des pays participants.