Le corridor de Zanguezour/Syunik, censé relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan, est au cœur d’un affrontement stratégique. Pour Bakou et Ankara, il s’agit d’un maillon essentiel du projet panturc visant à relier la Turquie à l’Asie centrale. Pour Washington, le TRIPP devait garantir une stabilité régionale tout en assurant aux États-Unis des droits exclusifs sur le développement d’un axe de transit énergétique.
À lire aussi
Caucase :
Zanguezour, le pont de la discorde
Mais l’Arménie a rapidement freiné l’enthousiasme américain. Le gouvernement arménien a rejeté toute idée de location longue durée du corridor, affirmant que la souveraineté sur Syunik n’était pas négociable. La question fait d’ailleurs débat au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en Chine, suscitant de nombreux commentaires et pourparlers.
L’Iran, la Russie et l’Inde misent sur le corridor Nord-Sud
Face à ce projet perçu comme une tentative d’encerclement, l’Iran a renforcé ses liens avec la Russie et l’Inde autour du corridor de transport international Nord-Sud (INSTC). Ce réseau multimodal relie l’Inde à la Russie via l’Iran, offrant une alternative stratégique au canal de Suez. Le tronçon ferroviaire Qazvin-Rasht-Astara, en cours de finalisation, permettra de relier la mer Caspienne à l’océan Indien.
Ce corridor incarne une vision multipolaire de l’Eurasie, où les puissances régionales cherchent à s’affranchir des logiques de bloc. L’Iran y voit une opportunité de consolider son rôle de carrefour logistique, tout en maintenant son ouverture vers le Caucase. La Chine, de son côté, observe avec intérêt ces dynamiques, qui pourraient renforcer ou contrarier ses propres ambitions dans le cadre des Routes de la Soie.
Arménie et Iran mettent les points sur les i
L’Arménie a clairement rejeté l’idée d’une concession territoriale, rappelant que toute infrastructure doit rester sous souveraineté et législation arméniennes. Le ministre des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan, a démenti avec fermeté les rumeurs de bail de 99 ans au profit des États-Unis.
De son côté, l’Iran a élevé la défense du Syunik au rang de priorité stratégique. La moindre tentative de créer un passage extraterritorial contrôlé par Bakou ou Ankara serait perçue comme une rupture inacceptable de sa frontière terrestre avec l’Arménie et, par ricochet, comme une atteinte à son rôle dans les corridors eurasiatiques.