Le 29 mars 2023, à Pékin, le Brésil et la Chine officialisaient un accord de portée stratégique. Leurs échanges commerciaux bilatéraux seraient désormais réglés en réal brésilien (BRL) et en yuan chinois (CNY), excluant le dollar américain. L’objectif affiché était clair : réduire les coûts de transaction, renforcer les échanges bilatéraux et accroître l’autonomie financière.
Un dispositif en place depuis 2023
Deux banques ont été désignées dès avril 2023 pour mettre en œuvre ce mécanisme. La Bank of China Brasil, et une banque brésilienne habilitée à gérer la compensation en réal. Ce système permet aux deux capitales de payer dans sa propre monnaie sans passer par le dollar, ce qui simplifie les opérations et protège contre les fluctuations du change.
Selon Tatiana Rosito, du ministère brésilien des Finances, le mécanisme était opérationnel dès mi-2023, notamment dans les secteurs de l’agrobusiness, de l’énergie et des matières premières, sans rencontrer d’obstacles techniques côté brésilien.
Un contexte géopolitique favorable à la bascule
C’est en 2025 que ce dispositif entre dans une phase de généralisation, avec un élargissement à l’ensemble des secteurs, y compris l’industrie manufacturière et les services. En avril dernier, Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche, déclenche une nouvelle guerre commerciale, ciblant notamment la Chine et plusieurs pays émergents avec une salve de tarifs douaniers punitifs.
Dans ce climat d’incertitude, la possibilité pour le Brésil et la Chine de commercer hors du circuit du dollar devient un atout sans commune mesure. Le Brésil, dont la Chine reste le premier partenaire commercial avec plus de 150 milliards de dollars d’échanges en 2023, bénéficie directement de ce filet de sécurité monétaire. Le président Lula, qui plaide depuis son retour au pouvoir pour une diversification financière, trouve là une validation géopolitique de sa stratégie.
Pour Pékin, la généralisation de l’usage du yuan dans le commerce avec le Brésil s’intègre dans une démarche de long terme visant à renforcer la place internationale de sa monnaie et à réduire sa vulnérabilité au système financier dominé par Washington.
Une pièce d’un puzzle plus large
Ce mécanisme bilatéral s’inscrit dans une dynamique plus vaste de dédollarisation promue par les BRICS. Pékin a déjà mis en place des dispositifs similaires avec la Russie, l’Iran ou l’Argentine. La Nouvelle Banque de Développement (NDB), bras financier des BRICS, finance désormais des projets en monnaies locales. Un projet de monnaie commune est discuté, mais reste à l’étude. L’accord sino-brésilien, lancé en 2023 et consolidé en 2025, constitue à ce jour l’un des exemples les plus concrets de cette stratégie alternative.