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Nouvelle route de l’Eurasie

L’Iran au cœur du Corridor Nord-Sud, entre résilience géopolitique et ambition eurasiatique

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Russie Inde Asie Iran

Alternative stratégique au canal de Suez, le Corridor International de Transport Nord-Sud (INSTC) incarne une réorientation des flux commerciaux entre l’Inde, l’Iran, la Russie et l’Asie centrale.

L’Iran place ce projet au cœur de sa stratégie de résistance et de son repositionnement géoéconomique.

Un couloir multimodal pour contourner les sanctions

Long de plus de 7 200 km, l’INSTC relie les ports indiens à la Russie via l’Iran, grâce à un maillage de routes, de voies ferrées et de connexions maritimes sur la mer Caspienne.

Conçu pour réduire drastiquement les délais et les coûts de transport par rapport à la route maritime classique via le canal de Suez, ce corridor ambitionne de devenir l’épine dorsale d’un nouvel ordre commercial eurasiatique. Pour les membres fondateurs — Inde, Russie et Iran — le projet n’est pas qu’économique : il reflète une volonté politique d’autonomisation face aux logiques de blocage imposées par l’Occident.

Un gain de temps et de carbone

Le corridor Nord-Sud permettrait de réduire le temps de transport entre Bombay et Moscou de 40 %, passant de 35 jours par Suez à environ 20 jours via l’Iran. Cette compression des délais réduit significativement les coûts logistiques, tout en diminuant l’empreinte carbone.

Selon les estimations, chaque tonne de marchandise transportée via l’INSTC émettrait 2 à 3 fois moins de CO₂ qu’un transport maritime classique sur la route de Suez, grâce à la part accrue du ferroviaire. Une avancée significative vers des chaînes logistiques plus durables, notamment pour les exportations agricoles, textiles ou pharmaceutiques, sensibles aux délais et aux aléas géopolitiques.

© Peter Hermes Furian/shutterstock

L’Iran, pivot géographique et logistique de l’INSTC, y voit une opportunité de relance de son économie frappée par les sanctions. Ses ports de Bandar Abbas et Chabahar — ce dernier cofinancé par l’Inde pour éviter la dépendance au Pakistan — sont appelés à jouer un rôle central. Mais le corridor reste inachevé : la section ferroviaire Qazvin-Rasht-Astara, clé pour relier la Caspienne au reste du réseau, peine à voir le jour. Infrastructures vétustes, manque de financement, normes non harmonisées et blocages douaniers pèsent sur la mise en œuvre.

Entre pressions occidentales et partenariats eurasiatiques

Le développement du corridor ne peut être dissocié du bras de fer qui oppose l’Iran aux États-Unis. Washington maintient une stratégie de « pression maximale », exigeant l’abandon du programme nucléaire iranien et du soutien à ses alliés régionaux. Dans ce contexte, l’INSTC devient pour Téhéran un levier de contournement des sanctions, mais aussi un outil de projection stratégique.

La Russie, frappée par les sanctions post-Ukraine, voit dans ce couloir un débouché alternatif vers l’Inde et l’Asie. L’Inde, quant à elle, cherche à se positionner comme puissance d’équilibre dans le Grand Jeu eurasien, en limitant l’influence croissante de la Chine et en consolidant sa présence en Asie centrale. Si le corridor avance à petits pas, son importance politique, elle, ne cesse de croître. Il symbolise une redéfinition des alliances, des routes et des centres de gravité dans le commerce mondial.

Un calendrier à long terme, freiné mais relancé
2000 Signature de l’accord fondateur entre l’Iran, la Russie et l’Inde.
2002-2015 Travaux initiaux, modernisation partielle de certaines lignes ferroviaires iraniennes et portuaires, mais progression lente.
2016-2019 Accélération des discussions trilatérales et premiers tests de fret.
2020-2022 Pandémie et durcissement des sanctions ralentissent les avancées ; l’Inde investit dans le port de Chabahar.
2023-2024 Intensification de la coopération Russie–Iran après les sanctions liées à l’Ukraine ; engagement russe à financer la ligne ferroviaire Rasht–Astara.
2025 Finalisation prévue de la section Qazvin–Rasht, début effectif des travaux sur Rasht–Astara ; mise en service commerciale limitée.
2026–2028 (prévisions) Montée en charge progressive, avec doublement des volumes de fret attendus d’ici 2028 si les financements sont maintenus.
Horizon 2030 Achèvement complet envisagé, avec intégration douanière partielle et connexion fluide entre ports et chemins de fer le long de la route.
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