Le sommet de l’OCS, qui réunit la Chine, la Russie, l’Inde, l’Iran et plusieurs pays d’Asie centrale, se tient cette année dans un contexte de fortes tensions. Aux dossiers sécuritaires liés à l’Afghanistan et à l’Asie centrale s’ajoute la question brûlante du Caucase du Sud. La présence du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, aux côtés du président iranien, Massoud Pezechkian montre à nouveau que l’Arménie, petit pays enclavé, est devenue un pivot dans les rivalités entre puissances régionales et globales.
Le corridor du Syunik/Zanguezour, un enjeu vital
Au cœur de ces tensions figure le corridor du Syunik, également appelé corridor de Zanguezour. Il s’agit de la même bande de territoire, dans le sud de l’Arménie, qui relie l’Iran à l’Arménie et sépare le territoire azerbaïdjanais du Nakhitchevan. Pour Erevan et Téhéran, ce passage est vital : il assure la continuité territoriale arménienne et permet à l’Iran de maintenir une ouverture vers le Caucase, échappant ainsi à un encerclement turco-azerbaïdjanais.
| Syunik ou Zanguezour, deux noms pour une bataille politique | |
|---|---|
| Syunik | Zanguezour |
| Appellation arménienne désignant la province méridionale de l’Arménie, au nord de l’Iran | Terme utilisé par l’Azerbaïdjan et la Turquie, qui renvoie à la même région mais avec une charge politique : l’idée de rétablir un corridor reliant Bakou au Nakhitchevan |
L’Azerbaïdjan, soutenu par Ankara, pousse pour ouvrir ce corridor sous son contrôle, reliant Bakou au Nakhitchevan et, au-delà, à la Turquie. Pour l’Iran, une telle évolution serait inacceptable. Téhéran verrait sa frontière directe avec l’Arménie rompue, menaçant son accès stratégique au Caucase et à l’Eurasie.
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La Russie, très prise par la guerre en Ukraine, reste présente dans le Caucase et y garde un rôle central. Elle voit dans le maintien d’une Arménie viable un levier indispensable pour contenir l’expansion turque. L’Iran, de son côté, élève la défense du Syunik au rang de ligne rouge stratégique. Préserver cette bande territoriale, c’est garantir sa souveraineté régionale et affirmer son rôle dans l’architecture multipolaire.
La Chine, hôte du sommet, regarde cela avec attention. Pékin sait que le Caucase du Sud est une pièce essentielle de la nouvelle Route de la soie et que tout basculement au profit d’Ankara et de Bakou fragiliserait ses propres corridors énergétiques et commerciaux.
Vers une ligne de fracture eurasiatique
Le sommet de l’OCS met en évidence un paradoxe. L’Organisation, souvent présentée comme le moteur d’un monde multipolaire, se retrouve confrontée à une ligne de fracture entre deux visions. Celle d’un Caucase ouvert sur l’Eurasie à travers la coopération Iran–Arménie–Russie–Chine, et celle d’un Caucase arrimé à l’axe turco-azerbaïdjanais, soutenu en sous-main par les puissances atlantiques.
Dans ce bras de fer, le corridor du Syunik/Zanguezour est bien plus qu’un territoire de quelques dizaines de kilomètres. Il est au centre de la lutte pour la souveraineté, la continuité territoriale et l’équilibre géopolitique de toute l’Eurasie.
La « stratégie du chaos »
Concept popularisé dans les années 1990, la « stratégie du chaos » est attribuée aux États-Unis et consiste à maintenir des foyers d’instabilité dans des zones stratégiques comme le Caucase, le Proche-Orient ou l’Asie centrale. Objectif : empêcher l’émergence d’une puissance eurasiatique intégrée (Russie, Iran, Chine, Inde). Israël et la Turquie participent à cette approche, notamment en Syrie, au Caucase et face à l’Iran, par des interventions militaires, des pressions économiques et l’instrumentalisation de groupes séparatistes.