En signant un accord stratégique sur 20 ans, Moscou et Téhéran ne se contentent pas de répondre à l’Occident.
Une alliance offensive et constructive
L’alliance entre la Russie et l’Iran ne se limite pas à une simple réaction aux sanctions occidentales. Elle repose sur une volonté commune de redessiner l’ordre international et de renforcer leur indépendance économique et militaire. Ces deux puissances contestent la domination occidentale sur les circuits financiers et cherchent à imposer une nouvelle répartition des influences mondiales.
L’un des objectifs majeurs de cette alliance reste la dédollarisation de leurs échanges commerciaux, ce qui leur permet d’éviter les sanctions américaines et européennes. En 2023, 95 % des transactions entre la Russie et l’Iran ont été effectuées en rouble et en rial, illustrant leur volonté de se défaire du système financier dominé par le dollar.
Sur le plan militaire, leur coopération s’est intensifiée avec six exercices conjoints depuis 2021. Moscou et Téhéran collaborent également sur des technologies de défense avancées, allant de la cybersécurité à la fabrication de drones. Cette entente irrite les Occidentaux, qui redoutent une prolifération de technologies militaires sensibles.
Les outils d’une transformation systémique
Le partenariat stratégique Russie-Iran repose sur une palette de leviers qui participent à la restructuration des équilibres géopolitiques. Parmi eux, les systèmes de paiement alternatifs permettent d’échapper à SWIFT, consolidant ainsi leur autonomie financière. Leurs coopérations énergétiques influencent le marché mondial du pétrole et du gaz, leur conférant un nouveau poids stratégique.
Le corridor de transport Nord-Sud qui relie l’Inde à la Russie via l’Iran est une pièce centrale de cette stratégie. Cette route alternative vise à concurrencer les corridors commerciaux occidentaux, renforçant l’influence de ces deux pays en Asie centrale et au Moyen-Orient. Comme le lait sur le feu, ce corridor inquiète Washington et Bruxelles, qui y voient un levier stratégique pour la consolidation d’un bloc eurasiatique affranchi de leur influence.
Dans ce contexte, la coopération russo-iranienne s’inscrit dans un cadre plus large : l’alliance stratégique entre la Chine, la Russie et l’Iran face aux pressions occidentales. Le 14 mars 2025, ces trois puissances ont réaffirmé leur engagement en faveur d’une résolution diplomatique du dossier nucléaire iranien, dénonçant les sanctions unilatérales imposées par Washington. Cette initiative intervient alors que Donald Trump adopte une posture encore plus offensive à l’égard de l’Iran et menace de nouvelles actions militaires. Loin d’intimider Téhéran, ces tensions ont renforcé son rapprochement avec Moscou et Pékin.
Le corridor de transport Nord-Sud
• Un tracé de 7 200 km, reliant la Russie, l’Iran et l’inde, avec des extensions vers l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et d’autres pays d’Asie centrale.
• Ports clés en Iran : Bandar Abbas (golfe Persique), Chabahar (océan Indien, permettant un commerce même si le détroit d’Ormuz est fermé), Anzali et Noshahr (Caspienne).
• Ports clés en Inde : Mumbai, Nhava Sheva et Kandla, points d’entrée stratégiques pour le commerce eurasiatique.
• Un corridor plus rapide : réduit le temps de transport entre l’Inde et l’Europe de 40 % par rapport aux routes via le canal de Suez.
• Un axe indépendant, échappant aux sanctions occidentales et offrant une alternative aux routes commerciales dominées par les États-Unis et l’UE.
• Un projet en pleine expansion, avec des investissements colossaux russes et iraniens dans les infrastructures ferroviaires et portuaires pour maximiser la connectivité.