En Haïti, cette coopération est une question de vie ou de mort.
La bataille des visas
La décision américaine, annoncée le 10 mars 2025 par le secrétaire d’État Marco Rubio, vise à « punir les gouvernements complices du travail forcé des médecins cubains ». Concrètement, les officiels des Caraïbes qui collaborent avec La Havane risquent la révocation de leurs visas américains. Une mesure perçue comme une ingérence par les pays de la CARICOM, qui dépendent des médecins cubains pour combler leurs pénuries de personnel qualifié.
« Cette politique est une attaque contre notre souveraineté et notre droit à choisir nos partenaires », dénonce Kamina Johnson Smith, ministre jamaïcaine des Affaires étrangères. Son pays emploie plus de 400 professionnels cubains dans des hôpitaux et des laboratoires. À Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Premier ministre Ralph Gonsalves alerte : « Sans les Cubains, notre centre de dialyse fermerait. Voulons-nous condamner 60 patients à mort ? »
Cuba, de son côté, rejette les accusations de « travail forcé ». Selon Miguel Díaz-Canel, le président cubain, ces missions sont « une tradition de solidarité, pas d’exploitation ».
« Sans les Cubains, nos hôpitaux seraient des morgues »
Depuis le séisme de 2010, qui a détruit une grande partie des infrastructures sanitaires, plus de 700 professionnels de santé cubains ont travaillé à Haïti. En 2025, ils restent indispensables dans les zones rurales, où 60 % de la population n’a pas accès à des soins de base.
« Les Cubains sont les seuls médecins présents dans certaines communes. Sans eux, les épidémies de choléra ou de malaria exploseraient », explique Jean-Claude Fignolé, infirmier haïtien formé à l’École latino-américaine de médecine de La Havane (ELAM). Depuis 1999, cette institution forme gratuitement des étudiants haïtiens – près de 1 300 à ce jour –, offrant une alternative vitale pour un pays où 80 % des médecins qualifiés émigrent.
La menace américaine place Port-au-Prince dans une position intenable. Le gouvernement haïtien, déjà fragilisé par une crise politique et sécuritaire, dépend de l’aide cubaine pour éviter l’effondrement de son système de santé. « Si les États-Unis nous sanctionnent, qui prendra en charge les maternités ou les centres de traitement du choléra ? », interrogent des personnels haïtiens de la Santé.
La CARICOM, qu’est-ce que c’est ?
La Communauté caribéenne (CARICOM) est une organisation régionale regroupant 20 États et territoires des Caraïbes, dont 15 membres pleinement souverains. Fondée en 1973 par le traité de Chaguaramas (Trinité-et-Tobago), elle vise à renforcer l’intégration économique, politique et sociale de la région.
Membres emblématiques
— États anglophones : Jamaïque, Barbade, Trinité-et-Tobago.
— États non anglophones : Haïti (seul membre francophone), Suriname (néerlandophone).
— Associés : Îles Vierges britanniques, Anguilla (territoires autonomes).
Enjeux actuels
La CARICOM est régulièrement confrontée à des défis communs : crises climatiques (ouragans, montée des eaux), dépendance économique, et pressions géopolitiques (comme les sanctions américaines contre la coopération médicale cubaine). Son unité est souvent testée, mais elle reste un forum essentiel pour la voix des petites nations caribéennes.