Long d’environ 300 km, le corridor interocéanique du Mexique reliera d’ici 2027 les ports de Coatzacoalcos (golfe du Mexique) et Salina Cruz (océan Pacifique) via une ligne ferroviaire modernisée. Située à l’endroit le plus étroit du territoire, cette nouvelle route terrestre a pour ambition de devenir une alternative compétitive au canal de Panama, aujourd’hui affecté par des sécheresses récurrentes et une saturation logistique.
Un axe de transit entre deux océans
La promesse ? Transporter 300 000 conteneurs par an dès 2027, puis jusqu’à 1,4 million à l’horizon 2033. Avec un temps de transit d’environ 7 heures contre plusieurs jours par voie maritime, le corridor pourrait capter une part non négligeable du commerce entre l’Asie, les États-Unis et l’Europe.
Cette infrastructure n’est pas isolée : elle s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement mexicain pour redynamiser le sud-est du pays, historiquement marginalisé, et renforcer sa position dans le contexte du nearshoring nord-américain.
Le Mexique dans le jeu du nearshoring
Face aux tensions sino-américaines, de nombreuses entreprises relocalisent leur production plus près des États-Unis. Le Mexique, membre de l’USMCA, offre une main-d’œuvre compétitive et une proximité stratégique. Le corridor interocéanique renforce cette position en proposant une nouvelle dorsale logistique entre Asie et Amérique du Nord.
Qu’est-ce que le nearshoring ?
Le nearshoring, c’est la relocalisation d’activités industrielles ou logistiques dans un pays proche du marché principal de consommation, plutôt que dans un pays éloigné. Contrairement à l’offshoring (externalisation à l’autre bout du monde), le nearshoring privilégie la proximité géographique, culturelle et réglementaire.
Cette stratégie répond à plusieurs objectifs :
- Réduire les délais de livraison ;
- Limiter les risques logistiques (ruptures d’approvisionnement, hausses du fret, congestion des ports) ;
- Contourner les tensions géopolitiques (ex. : Chine–États-Unis) ;
- Profiter d’accords commerciaux régionaux.
Dans le cadre de l’accord USMCA, le Mexique est devenu une destination phare du nearshoring pour les entreprises nord-américaines. Le corridor interocéanique s’inscrit dans cette dynamique : il renforce la capacité du Mexique à devenir un hub industriel, tout en diversifiant les routes d’exportation vers l’Asie et l’Europe.
Un pari industriel et social à hauts risques
Dix parcs industriels – les PODEBI – verront le jour le long du tracé pour accueillir entreprises manufacturières et centres logistiques. Le gouvernement mise sur cette base productive pour créer des milliers d’emplois, attirer les investissements étrangers et augmenter le PIB de 3 à 5 points.
Mais ce développement suscite une opposition. De nombreuses communautés indigènes dénoncent l’absence de consultations transparentes et redoutent une privatisation des terres ejidales. Le projet pourrait bouleverser les équilibres sociaux et écologiques d’une région réputée pour sa biodiversité, tout en aggravant les tensions foncières.
Si le gouvernement promet des mesures d’atténuation et une répartition équitable des bénéfices, les garanties restent floues. Dans un contexte de fortes inégalités, la réussite du corridor dépendra autant de ses performances logistiques que de sa capacité à intégrer durablement les territoires qu’il traverse.
Canal de Panama | Corridor de Tehuantepec |
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82 km, transit maritime | 300 km, transit ferroviaire |
14 000 navires/an | capacité cible de 1,4 million de conteneurs/an |
Dépend fortement du niveau du lac Gatún | Moins sensible aux conditions climatiques, mais nécessite rupture de charge (port/train) |