Le verdict des urnes a pris de court une partie des observateurs : La Libertad Avanza (LLA) est sortie victorieuse des législatives partielles, remportant environ 41 % des suffrages et 64 sièges sur 127 à la Chambre des députés. Dans plusieurs provinces clés – Buenos Aires, Córdoba, Mendoza et Santa Fe – le parti de Javier Milei a su capitaliser sur un électorat fidèle et discipliné, tandis que l’opposition s’éparpillait.
Un succès électoral dans un climat d’épuisement social
Le taux de participation, inférieur à 70 %, marque le niveau le plus bas depuis le retour de la démocratie en 1983 : un signal d’alerte dans une société épuisée par l’inflation, les scandales et l’incertitude.
Loin d’un vote d’adhésion, ce scrutin apparaît avant tout comme un vote de continuité contrainte. Une partie de la population, désabusée, a préféré confirmer le pouvoir en place plutôt que de relancer un cycle d’instabilité. En toile de fond, la figure du président libertarien reste polarisante : adulé pour sa rhétorique « anti-système », honni pour ses coupes budgétaires massives, Milei a transformé l’épuisement collectif en atout électoral.
La faiblesse de l’opposition, clé de la victoire de Milei
Les résultats reflètent moins un élan en faveur du gouvernement qu’un effondrement de l’opposition péroniste. Minée par ses divisions internes, tiraillée entre héritiers de Kirchner et d’autres figures, la coalition Fuerza Patria n’a recueilli qu’entre 25 et 35 % des voix selon les provinces.
Elle n’a pas su convaincre un électorat populaire frappé par la dégradation sociale entre hausse du coût de la vie, contraction du marché du travail et recul des services publics. Son discours s’est révélé défensif, tourné vers la dénonciation de Milei plutôt que vers une alternative claire.
En revanche, le président a consolidé un bloc électoral conservateur d’environ 40 % du corps électoral, stable depuis deux décennies, qui s’identifie davantage à des valeurs d’ordre, de méritocratie et d’individualisme qu’à une amélioration matérielle immédiate. Cette cohérence idéologique a suffi à compenser le mécontentement croissant face aux politiques économiques du gouvernement.
L’élection consacre aussi la marginalisation des forces centristes et progressistes, incapables de s’unir autour d’un programme commun. Le camp anti-Milei, fragmenté et démobilisé, n’a pas trouvé de leadership fédérateur. L’abstention, particulièrement forte dans les quartiers populaires et les zones rurales, a ainsi favorisé la victoire du pouvoir sortant.
Un pouvoir renforcé, une démocratie fragilisée
Fort de cette victoire, Javier Milei pourra gouverner avec moins de freins parlementaires. Son parti a désormais la capacité de bloquer les initiatives de l’opposition et d’accélérer ses réformes faites de privatisations, de réduction des dépenses publiques et de dérégulation du marché du travail.
Mais ce renforcement politique s’accompagne d’une fragilisation démocratique. Le contrôle parlementaire s’affaiblit, tandis que le pluralisme politique s’érode sous la pression d’un exécutif de plus en plus centralisé.
Surtout, la dépendance financière vis-à-vis de Washington suscite des inquiétudes : la promesse d’un soutien de 20 milliards de dollars de la part de l’administration Trump, rendue publique à la veille du scrutin, pose la question de la souveraineté nationale et du futur des ressources stratégiques argentines.
Derrière le triomphe électoral, l’Argentine s’avance donc vers une période de stabilité politique relative mais de tension sociale aiguë, où la légitimité démocratique risque d’être rongée par l’usure et la résignation.