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Humberto Matheus/shuterstock
Venezuela

Avec le prix Nobel 2025, la Guerre c’est la Paix

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Mise à jour le 24 octobre 2025
Temps de lecture : 8 minutes

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Caraïbes Guerre États-Unis Venezuela Paix

Le Comité Nobel norvégien a attribué le 10 octobre 2025 le prix Nobel de la paix à María Corina Machado, opposante d’extrême droite au gouvernement vénézuélien. Le comité a souhaité récompenser « ses efforts en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Le choix de cette opposante, soutien historique d’une intervention militaire étrangère contre le gouvernement vénézuélien, interroge sur les motivations du Comité Nobel norvégien.

María Corina Machado est une riche héritière des secteurs de l’électricité et de la sidérurgie au Venezuela. Elle a été formée dans une école privée d’élite à Caracas, ainsi qu’à Wellesley, dans le Massachusetts, aux États-Unis. Avant de se lancer en politique en 2002, elle a travaillé dans l’entreprise paternelle, Sivensa.

Membre de l’extrême droite radicale et surnommée « Augusta Pinocheta »

Elle est une personnalité politique très radicale et controversée au Venezuela, y compris au sein de l’opposition de droite et d’extrême droite. Son soutien à une intervention militaire des États-Unis contre le gouvernement vénézuélien n’est appuyé que par la branche la plus radicalisée de l’extrême droite vénézuélienne (3 % des sondés selon un sondage Datanalisis réalisé en 2025).

En 2002, elle participe activement au coup d’État contre Hugo Chávez, qui échouera finalement devant la forte mobilisation populaire. Elle signe alors le décret Carmona, visant à dissoudre l’Assemblée nationale et à destituer les responsables politiques élus. En pleines tensions entre son pays et les États-Unis, elle rencontre en 2005 George W. Bush à la Maison-Blanche. Il est également attesté qu’elle a reçu plusieurs dizaines de milliers de dollars de la National Endowment for Democracy (NED) afin de favoriser un changement de régime au Venezuela.

Sur le plan économique, elle est ultra-libérale et souhaite la privatisation de l’ensemble des services publics ainsi que de la compagnie pétrolière PDVSA. Pour cette raison, et du fait de sa proximité avec Washington, elle est surnommée par certains « Augusta Pinocheta » au Venezuela.

Élue députée d’opposition en 2010, elle est destituée en 2014 après avoir assisté au Conseil permanent de l’Organisation des États Américains (OEA) pour le compte du Panama, où elle a sollicité la mise en place de mécanismes internationaux contre le gouvernement vénézuélien, y compris une intervention militaire. En juin 2023, elle est rendue inéligible jusqu’en 2030 par le contrôleur général de la République pour fraude fiscale et soutien aux sanctions économiques imposées par les États-Unis contre le Venezuela. En janvier 2024, cette sanction est confirmée par le Tribunal suprême de justice, ce qui l’empêche de participer à l’élection présidentielle de 2024, où elle soutiendra l’opposant Edmundo González Urrutia.

L’opposante est recherchée par la justice depuis l’été 2024 pour « sa responsabilité dans les faits de violence durant la période post-électorale » de 2024, qui ont fait 25 morts et plus de 200 blessés, et vit en semi-clandestinité au Venezuela depuis cette période.

Une amie de Trump, Milei et Netanyahou

María Corina Machado, amie de Netanyahou, affiche un soutien indéfectible à la politique du gouvernement israélien d’extrême droite. En 2021, elle déclara : « Tous ceux qui défendent les valeurs de l’Occident, nous sommes avec l’État d’Israël, un allié sincère de la liberté ». En 2018, elle avait même demandé dans une lettre à Netanyahou une intervention militaire au Venezuela contre le gouvernement.

Le 10 octobre 2025, le président argentin d’extrême droite, Javier Milei, a aussitôt félicité Machado sur X : « Mes félicitations pour cette reconnaissance plus que méritée pour ta lutte en défense de la LIBERTÉ et de la démocratie. Merci pour l’inspiration avec laquelle tu illumines le monde en te battant contre la narcodictature du Venezuela ».

Celle qui soutient l’intervention militaire des États-Unis en cours dans la mer des Caraïbes a publié en anglais sur X : « Cette immense reconnaissance de la lutte de tous les Vénézuéliens est un élan pour achever notre tâche : conquérir la liberté. Nous sommes au seuil de la victoire et aujourd’hui plus que jamais, nous comptons sur le Président Trump (…). Je dédie ce Prix au peuple du Venezuela qui souffre et au Président Trump pour son soutien décisif à notre cause ». Le président des États-Unis ayant lui-même déclaré dans la foulée : « elle m’a dit ‘je l’accepte en votre honneur parce que vous le méritez vraiment ».

Ces propos doivent être interprétés dans le contexte du déploiement militaire offensif des États-Unis en mer des Caraïbes, au large des côtes vénézuéliennes. Ils peuvent constituer une nouvelle étape dans la guerre hybride renforcée lancée par Washington contre le Venezuela depuis août 2025. Les tensions se sont accrues ces derniers jours avec un bateau coulé par l’armée américaine et un projet d’attentat de l’extrême droite vénézuélienne déjoué le 6 octobre contre l’ambassade des États-Unis.

Le gouvernement vénézuélien n’a pas officiellement réagi à cette nomination. Dans un message le même jour, le président Nicolás Maduro Moros a annoncé l’activation du Plan « Independancia 200 » dans trois États du nord du Venezuela — Zulia, Falcón et Aragua — afin de mobiliser plus fortement les forces militaires et la population pour faire face à l’opération militaire américaine en cours. Le 10 octobre également, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni en urgence à la demande du Venezuela pour réaffirmer le nécessaire respect du droit international face à la crise dans les Caraïbes. L’ambassadeur vénézuélien Samuel Moncada a appelé le Conseil à éviter un « crime international » commis par les États-Unis contre le Venezuela.

Comment fonctionne l’attribution du prix Nobel de la paix ?

Le prix Nobel de la paix récompense chaque année « une personne ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix », selon les volontés du testament d’Alfred Nobel, chimiste, industriel et fabricant d’armes suédois ayant laissé à sa mort une immense fortune pour la création d’un prix Nobel promouvant la paix.

Basé à Oslo, c’est le Comité Nobel norvégien qui délivre ce prix depuis 1901. Il est composé de cinq membres, tous Norvégiens, nommés par le Parlement norvégien. Ses délibérations ne sont pas publiques.

Le prix Nobel de la paix est régulièrement accusé d’être instrumentalisé politiquement par les puissances occidentales, notamment en récompensant des personnalités occidentales comme Barack Obama en 2009, l’Union européenne en 2012 ou des opposants alignés sur l’Occident comme María Corina Machado.

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