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GovernmentZA - CC BY-ND 2.0
Après huit mois d'une crise inédite

Retour sur le terrain diplomatique entre Paris et Alger

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Mise à jour le 10 juin 2025
Temps de lecture : 6 minutes

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Gouvernement Maroc Algérie

La bévue du président Emmanuel Macron, qui avait soutenu le plan marocain de l’autonomie du Sahara occidental, et les provocations belliqueuses du ministre de l’Intérieur Retailleau et de l’extrême droite ont fini par plier devant la diplomatie. Le dialogue entre l’Algérie et la France reprend.

On n’avait jamais assisté à une crise aussi profonde depuis 1962 entre la France et l’Algérie. Tout avait commencé à l’été 2024, lorsque le président Emmanuel Macron a déclaré son soutien au « plan d’autonomie marocain » sur le Sahara occidental. Le 30 juillet 2024, il avait écrit au roi du Maroc, Mohamed VI, pour reconnaître la « marocanité » de ce territoire que les Nations unies considèrent comme n’étant pas encore décolonisé.

L’affaire de la marocanité du Sahara occidental

Certes, Emmanuel Macron avait prévenu le président Abdelmadjid Tebboune plus d’un mois plus tôt, à l’occasion du sommet du G7 à Bari. Mais le président français remettait brutalement en cause la position française qui, tout en jouant les équilibristes entre le Maroc et l’Algérie, avait toujours veillé à ne pas reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Le sujet entre les deux pays du Maghreb est d’une sensibilité extrême et la déclaration française a provoqué la colère d’Alger qui a rappelé son ambassadeur à Paris, Saïd Moussi.

On peut toujours dire que l’Espagne avait déjà reconnu la souveraineté marocaine, ainsi que les États-Unis, on peut aussi rappeler que plusieurs pays africains avaient décidé de ne plus reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il n’empêche, la position d’Emmanuel Macron a mis le feu aux poudres.

À partir de là, les relations franco-algériennes se sont embrasées avec l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, à l’automne dernier, et après l’affaire de l’expulsion de ressortissants algériens (les « influenceurs ») et que l’Algérie a refusé de recevoir. Boualem Sansal, qui avait récemment acquis la nationalité française, a été arrêté à l’aéroport d’Alger et condamné pour avoir, lui aussi, défendu la marocanité du Sahara occidental. Les autorités algériennes lui reprochent d’avoir porté atteinte à l’intégrité territoriale parce qu’il avait déclaré dans un média d’extrême droite que l’ouest de l’Algérie revient au royaume du Maroc. En France, un comité de soutien d’environ 1400 personnes (dont de nombreuses personnalités hors de France) s’est rapidement créé pour exiger la libération de l’écrivain et Emmanuel Macron s’est lui-même positionné pour sa remise en liberté.

Rodomontades inutiles et contre-productives

Mais la condamnation à 5 ans d’emprisonnement de Boualem Sansal et la crise des reconduites à la frontière ont contribué à envenimer les choses. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a clairement franchi les limites de ses compétences ministérielles en s’en prenant au pouvoir algérien, jusqu’à menacer de démissionner (ce qui aurait bien sûr fait rire El Mouradia, la résidence présidentielle algérienne).

De son côté, l’extrême droite française et les médias de la sphère Bolloré s’en sont donné à cœur joie pour taper sur l’ancienne colonie. Enfin, le premier Ministre François Bayrou a tenté de montrer les muscles en menaçant de remettre en cause un accord, celui de 1968, qui de toute façon a perdu beaucoup de sa force et doit être renégocié.

Tous ces ingrédients et rodomontades ne faisaient que détruire encore et encore les relations avec l’Algérie et menaient droit dans le mur. Finalement, les choses rentrent dans l’ordre, si l’on peut dire, avec la visite à Alger du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. La France ne renonce pas à ses déclarations sur le Sahara occidental mais tempère en appelant à une « solution politique durable et mutuellement acceptable aux Nations Unies ». Concernant les ressortissants algériens frappés d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), les choses ont commencé à se rétablir.

Si aucune nouvelle ne transpire concernant le sort de l’écrivain Boualem Sansal, il semble que ce dernier puisse retrouver le chemin de la France. Alors qu’il souhaitait faire appel de sa condamnation (ce qui aurait empêché une grâce présidentielle), il y a renoncé. En revanche, le parquet algérien a fait appel pour alourdir sa condamnation. Mais la détente entre les deux pays permet de croire à une issue heureuse.

Enfin, la visite ministérielle à Alger relance les mécanismes de coopération sur les plans sécuritaire, économique et mémoriel. Les relations demeurent compliquées. En Algérie, une commission œuvre à la reconnaissance de la criminalisation du colonialisme et l’Algérie réclame à la France la restitution des fonds détournés par d’anciens responsables algériens, comme l’ex-ancien ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb.

Ces huit derniers mois de crise, souvent instrumentalisés par la droite et l’extrême droite, n’auront finalement servi qu’à empoisonner des relations qui n’avaient pas besoin de cela, et à retarder un travail de coopération indispensable.

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