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5 juillet

L’Algérie fête son indépendance. Boualem Sansal reste en prison

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Algérie Histoire

Fallait-il vraiment s’attendre à une grâce présidentielle, ce 5 juillet, en faveur de l’écrivain algéro-français Boualem Sansal ?

Le jour de la fête nationale, le président Abdelmajid Tebboune a grâcié 6500 détenus, respectant ainsi une tradition de clémence présidentielle. Il a pour cela signé deux décrets d’aministie après avoir reçu l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.

Contrairement aux attentes de son comité de soutien, l’écrivain Boualem Sansal ne fait pas partie de la liste des grâciés. Pas plus que le journaliste français Christophe Gleizes (dont on appris la condamnation par le tribunal de Tizi Ouzou, le 29 juin, à 7 ans de prison pour « apologie de terrorisme ».

Troisième personne qui a vainement attendu une grâce présidentielle : Mohamed Lamine Belghit, un universitaire algérien récemment condamné à cinq ans de prison ferme pour des propos jugés révisionnistes.

« De quoi se mêle la France ? »

Les mesures d’amnistie excluent en général les personnes condamnées pour des infractions majeures tels des actes de terrorisme, des crimes de sang, des agressions graves, de la corruption, des délits de change, des crimes informatiques, ou encore des atteintes aux institutions de l’État.

C’est précisément ce dernier fait que la justice algérienne reproche à Boualem Sansal. Il a été condamné en appel pour, précise le quotidien algérien « Le Matin », « atteinte à l’unité nationale », « outrage à corps constitué », « pratiques susceptibles de nuire à l’économie nationale », « détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ».

Evidemment, lit-on dans « Le Matin » de ce 4 juillet, « en l’absence de liste nominative, l’opacité persiste ». Et concernant les cas de Sansal, Gleizes et Belghit, le quotidien estime de toute façon qu’il « n’y a rien à attendre de Tebboune et de son précarré. Car depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’État fait tout pour rater ses rendez-vous avec le peuple. »

Effectivement, il était difficile de croire sincèrement à un geste de clémence du président algérien pour Boualem Sansal, surtout dans le contexte d’une relation franco-algérienne qui n’a jamais été aussi mauvaise depuis l’indépendance. Le ralliement d’Emmanuel Macron à la thèse marocaine sur le Sahara occidental, les déclarations de Boualem Sansal concernant le territoire algérien, entr’autres, contribuent largement à faire de ce dernier un otage.

À la veille de la fête nationale, la presse algérienne annonçait déjà la mauvaise nouvelle. L’écrivain Kamel Daoud, lui aussi poursuivi par la justice algérienne, notait que presque tous les titres accusaient Paris en ces termes : « De quoi se mêle la France ? ».

Quoi qu’il en soit, en ce 63ᵉ anniversaire de l’indépendance et de la fête de la jeunesse, le 5 juillet, le président Tebboune a préféré rendre un hommage particulièrement appuyé aux martyrs de la guerre d’indépendance et a participé à une cérémonie organisée en l’honneur des hauts cadres de l’Armée nationale populaire (ANP). Il apparaît clair que répondre aux demandes de la France un jour aussi symbolique pour l’Algérie aurait de toute façon provoquée des réactions très négatives au sein de l’armée et parmi le peuple qui demeure très attaché à la souveraineté de son pays.

L’indépendance, l’événement le plus coché

L’Istiqlal, c’est-à-dire l’indépendance est certainement l’événement le plus coché par l’opinion algérienne parmi les événements qui ont marqué l’année 1962, à savoir la signature des accords d’Evian le 18 mars, la proclamation de l’indépendance le 5 juillet et la naissance officielle de la République algérienne démocratique et populaire (RADP) le 25 septembre.

Dans son édition du 5 juillet, sous la plume du journaliste, écrivain et poète Mustapha Benfodil, le journal « El Watan » évoque ainsi cette journée : « Une date que nous chérissons, qui nous émeut et nous donne aujourd’hui encore des frissons. Parce que ça na pas été simple. Parce que les Chouhada [martyrs de la guerre – ndlr]. Parce que Ghazza. Le colonialisme en vampire insatiable à sept têtes, jamais repu du sang des peuples qu’il croit soumettre. »

C’est dire la puissance narrative qui émane du 5 juillet 1962. L’année en elle-même a vu se succéder les bouleversements et laisser croire à tous les possibles. Au lendemain du cessez-le-feu (accords d’Evian), il a fallu gérer la période transitoire et mettre en place un exécutif provisoire. Il a fallu aussi faire face au terrorisme de plus en plus sanglant de l’Organisation armée secrète (OAS) qui ne voulait rien lâcher. Le 1er juillet, le référendum d’autodétermination prélude à la proclamation de l’indépendance quatre jours plus tard.

Luttes fratricides

Mais 1962, rappelle aussi Mustapha Benfodil, « c’est aussi le congrès de Tripoli, du 27 mai au 5 juin, dont les travaux n’ont jamais été clôturés, et qui va acter les fractures au sein du leadership de la Révolution annonciatrices de la crise de l’été 62 et de la ’’guerre des wilayas’’, dans le sillage du conflit qui oppose le gouvernement provisoire (GPRA) à l’Etat-major (EMG), dirigé par Houari Boumediène. Dans le prolongement de ces luttes fratricides, le coup de force de Ben Bella, qui annonce le 22 juillet, depuis Tlemcen, la constitution d’un bureau politique, au nom du FLN, soutenu par Boumediène, avant de former le premier gouvernement de l’Algérie indépendante le 20 septembre, après l’élection de l’Assemblée constituante. »

La guerre aura duré près de huit ans. Par delà la bataille des chiffres entre l’Etat algérien et l’Etat français, les sources s’accordent sur 500 000 morts dont 400 000 Algériens, 4000 Français civils, 30 000 soldats français et entre 15 000 et 30 000 harkis. En 1962, c’était aussi le retour en Algérie de 300 000 personnes qui étaient réfugiées dans les camps du HCR en Tunisie et au Maroc. De nombreuses familles algériennes ont attendu, en vain, les corps des militants enlevés par les parachutistes français durant la « Bataille d’Alger ».

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