Depuis des années, les grandes agences de notation – Moody’s, Fitch et S&P – sont accusées par de nombreux responsables africains de sous-estimer les efforts de réforme et de développement du continent. Leurs modèles, jugés rigides et peu adaptés aux spécificités locales, alimenteraient une « prime de risque africaine » qui renchérit le coût des emprunts souverains. En réponse, l’Union africaine et le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) ont lancé le projet AfCRA.
Indépendance, gouvernance et reconnaissance internationale
L’AfCRA se veut une alternative crédible, dotée de méthodologies propres au continent. Elle intégrera des indicateurs souvent négligés par les agences internationales, comme l’économie informelle – qui représente jusqu’à 90 % de l’activité dans certains pays –, les paiements mobiles ou encore les données satellitaires. L’objectif est de produire des notations plus justes, mieux contextualisées et ainsi faciliter l’accès des États et entreprises africains aux financements.
L’AfCRA sera détenue exclusivement par des entités privées africaines, principalement des institutions financières régionales. Aucun État ne figurera parmi les actionnaires. L’agence adoptera des politiques strictes pour prévenir les conflits d’intérêts et assurer la transparence de ses évaluations. Le MAEP et l’UA joueront un rôle de soutien stratégique, sans interférer dans les décisions opérationnelles.
Mais le défi majeur reste la reconnaissance par les marchés internationaux. Pour être crédible, l’AfCRA devra produire des analyses rigoureuses, comparables aux standards internationaux, tout en tenant compte des réalités africaines. Des partenariats avec des agences internationales sont envisagés pour renforcer sa légitimité. En parallèle, le MAEP a mis en place un cadre stratégique pour accompagner les États membres dans leurs démarches de notation, incluant soutien technique, conseil et gestion des recours post-notation.
Une notation plus proche du terrain
« Il est temps que les notations reflètent véritablement la diversité des économies africaines », déclarait Claver Gatete, secrétaire exécutif de la CEA. L’AfCRA entend justement sortir d’une logique punitive pour accompagner les trajectoires de développement, en valorisant les efforts de réforme et les dynamiques locales.
Premiers pas vers une notation africaine
Certains pays n’ont pas attendu l’AfCRA pour explorer des alternatives. Le Cameroun a engagé des discussions avec Bloomfield Investment Corporation, tandis que la Guinée équatoriale a obtenu une note « BBB » à long terme en monnaie locale. Ces initiatives témoignent d’un besoin croissant de souveraineté en matière d’évaluation financière.