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Réflexions

Les chemins de fer britanniques se préparent-ils à la guerre ?

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Mise à jour le 6 décembre 2024
Temps de lecture : 6 minutes

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Ukraine Russie Royaume-Uni

La nationalisation des chemins de fer, accueillie avec joie par la gauche occidentale, est davantage motivée par la préparation de la guerre contre le Sud que par une remise en cause des politiques de Thatcher.

The Navigators, le film de Ken Loach réalisé en 2001, montre très bien la privatisation des chemins de fer britanniques et ses effets sur les travailleurs et la sécurité. Depuis le début des années 1980, date à laquelle ils ont été vendus (ou plutôt bradés) au secteur privé, de nombreux gouvernements se sont succédé, tant conservateurs que travaillistes, et pourtant rien n’a changé : bien que la réforme ait été faite par les conservateurs, les travaillistes n’ont même jamais essayé d’inverser le processus tatchérien.

Il y a quelques jours seulement, le nouveau gouvernement travailliste (d’orientation centriste) a approuvé une réforme qui ramènera très rapidement les chemins de fer sous contrôle public. La nouvelle a galvanisé la gauche européenne, y compris de nombreux communistes, qui y voient une bonne nouvelle : la patrie des politiques libérales (avec les États-Unis de Reagan), commence à inverser le processus, ce dont il faut se réjouir.

Pas de résistance du capital britannique

Une fois les célébrations terminées, il est bon de retrouver la lucidité et de se demander comment cela a été possible et pourquoi maintenant. Historiquement, le néolibéralisme peut être renversé en présence de fortes mobilisations organisées, mais cela n’a pas été le cas au Royaume-Uni ou ailleurs.

En substance, un secteur comme les chemins de fer où il est possible d’obtenir des rendements élevés grâce au régime de quasi-monopole est soustrait à l’exploitation du capital privé par un gouvernement qui ne lui est certainement pas hostile, sans qu’il ne réagisse d’aucune manière.

Certes, l’état des chemins de fer britanniques, comme de tous ceux qui sont passés sous contrôle privé au fil des ans, n’est certainement pas très bon : les investissements manquent, les suppressions, les perturbations, les accidents sont nombreux, ce qui crée des problèmes au reste du système économique capitaliste, c’est-à-dire aux autres capitalistes. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas s’exposer à l’« expropriation » d’un secteur aussi rentable ?

La fin du néolibéralisme et la guerre

Les raisons sont sans doute autres et il n’y a pas de quoi se réjouir. En effet, on ne peut ignorer le contexte dans lequel cela se produit, à savoir celui d’un affrontement progressif entre les puissances impérialistes (les États-Unis et le Royaume-Uni in primis) et le Sud global, qui évolue vers une autonomie de plus en plus grande par rapport aux anciennes puissances coloniales.

Il s’agit d’un défi vital pour l’impérialisme, qui voit de moins en moins la possibilité d’exploiter les pays du Sud et se voit ainsi privé d’un levier fondamental contre la baisse tendancielle du taux de profit. La guerre mondiale par chapitres dont a parlé le pape François.

L’un des chapitres de cette guerre est l’Ukraine, où l’impérialisme occidental pensait pouvoir rapidement faire plier la Russie et la forcer à revenir à un état de soumission comme pendant la période post-soviétique d’Eltsine.

Les sanctions n’ont pas fonctionné, mais surtout, la Russie a démontré une capacité de guerre bien au-delà des attentes des experts militaires occidentaux. En particulier, la Russie a été capable d’orienter l’ensemble de son économie vers le soutien de l’effort de guerre, bien qu’elle ne soit plus un pays socialiste. Le rôle de l’État dans l’économie russe, comme dans les autres pays BRICS, a permis de coordonner la production publique et privée pour soutenir l’économie et la guerre. N’oublions pas à quel point l’utilisation des chemins de fer a été cruciale dans la stratégie de guerre russe depuis plus d’un siècle.

De ce point de vue, la fin de la privatisation des chemins de fer britanniques prend un autre sens et d’autres explications. Si la perspective est celle d’une confrontation militaire avec le Sud global, et à la lumière de ce qui s’est passé en Russie, on ne peut pas laisser un instrument aussi stratégique pour la guerre que les chemins de fer à une gestion privée orientée vers le profit immédiat. Il doit passer sous le contrôle direct de l’État afin de pouvoir être mobilisé rapidement en cas de guerre directe (en Ukraine, celle-ci est indirecte et intermédiée par l’État ukrainien).

N’oublions pas que c’est précisément la Grande-Bretagne qui pousse le plus à une confrontation à court terme avec la Russie. En juillet, le nouveau commandant des forces armées britanniques a déclaré que le pays devait être prêt à mener une guerre dans trois ans, et le gouvernement Starmer, celui-là même qui a lancé le processus de nationalisation des chemins de fer, a décidé de soutenir cette position en augmentant les dépenses militaires de 2,3 % du PIB à 2,5 % dès cette année. Le prédécesseur du général, seulement six mois auparavant, avait demandé le rétablissement de la conscription militaire afin de créer une armée pour faire la guerre.

Comme on peut le constater, l’éventualité d’une guerre oriente la politique britannique bien plus que le désir antilibéral, et la décision de nationaliser les chemins de fer britanniques s’inscrit dans cette tendance. C’est pourquoi les grèves et les manifestations doivent contenir dans leur orientation la lutte contre l’impérialisme, qui est aussi mortel pour le Sud global que pour les travailleurs occidentaux.

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