Comment expliquer ce succès et caractériser cette force politique ?
Une gauche en déroute dans une Allemagne en crise
Né en janvier d’une scission de Die Linke (« la gauche »), le rassemblement de la gauche radicale allemande des années 2000, le BSW est dirigé par Sahra Wagenknecht.
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La revanche de l’Est : Qui est Sahra Wagenknecht ?Si le nouveau parti bouscule le jeu politique allemand, cela s’inscrit dans une crise profonde que connaît le pays et qui s’est exacerbée depuis 2022. En effet, la puissance industrielle de l’Allemagne est lourdement frappée, à l’image de l’automobile, fleuron du pays. La concurrence internationale et la flambée des coûts de l’énergie, due à la guerre en Ukraine, mettent à mal le dynamisme habituel des petites et moyennes entreprises (PME) familiales du Mittelstand, le réseau des sous-traitants de haute technologie qui alimentent la grande industrie et qui a le soutien d’une partie de la classe moyenne.
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La coalition au pouvoir du chancelier Scholz associant le SPD (la social-démocratie), le FDP (les libéraux) et les Verts est menacée sur sa droite par la CDU (la démocratie chrétienne) et l’AFD (l’extrême droite) qui connait, comme dans la plupart de pays européens, une montée inquiétante. Sur sa gauche, la situation est plus complexe. Die Linke, longtemps étendard de l’anticapitalisme, a connu un glissement libéral, au point d’adopter le discours des Verts : écologie punitive, européisme et soutien à l’Ukraine. Le résultat est désastreux pour Die Linke qui perd les suffrages populaires. Le succès du BSW met donc à l’épreuve la gauche allemande autour de ses choix stratégiques et de ses valeurs.
Un projet politique de rassemblement des craintes
Le BSW se réclame d’une « gauche conservatrice », progressiste sur le plan social et économique, mais conservatrice sur les questions sociétales. Une réponse aux inquiétudes de la société allemande. Ainsi, le parti adopte une politique souverainiste face à Bruxelles, accusant la coalition et Die Linke d’avoir capitulé devant le lobbying des grands groupes au détriment du Mittelstand. Et de dénoncer ces petits bourgeois diplômés et moralisateurs des grands centres urbains cherchant à imposer au nom de la transition écologique, un mode de vie hors de portée pour les classes populaires — en matière de logements et de transports — en particulier à l’Est.
En réponse aux craintes nées de la guerre en Ukraine, le BSW est pacifiste : s’il condamne l’invasion de 2022, il insiste sur la coresponsabilité de l’OTAN et rejette catégoriquement les livraisons d’armes. Un pacifisme abandonné par les Verts.
De façon surprenante, le parti est critique vis-à-vis d’une immigration qu’il juge intenable et incontrôlée aux frontières de l’UE. Préconisant d’agir à la source, sur les conditions géopolitiques à l’origine de la migration, le projet du BSW fait écho à un débat qui traverse le pays. Pour autant, ce parti ne se réclame pas du drapeau rouge ni d’une démarche révolutionnaire de transformation, au risque de devenir rien de plus qu’un nouvel avatar du populisme de gauche prôné par les philosophes Chantal Mouffe et Ernesto Laclau.