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Tribune

Comprendre Maurice Thorez, c’est comprendre que l’on peut faire l’histoire

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Mise à jour le 14 mai 2024
Temps de lecture : 7 minutes

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PCF

Né à Noyelles-Godault, dans le Pas-de-Calais le 28 avril 1900, Maurice Thorez, c’est Zola plus la guerre. Quelques années après sa naissance, non loin de sa ville natale, c’est la catastrophe de Courrières et ses centaines de victimes de l’exploitation : nous sommes le 10 mars 1906.

On n’est déjà plus dans la petite histoire, on entre dans celle du mouvement ouvrier. L’histoire, c’est aussi celle racontée dans Fils du peuple, dans un dialogue avec Jean Fréville, l’ami qui magnifie le personnage au point que certains n’y voient plus qu’une caricature. Il est vrai qu’il ne sert à rien de s’en tenir aux images d’Epinal. Les travaux d’historiens, communistes ou non, parmi lesquels on peut citer Roger Martelli, Stéphane Sirot, Jean Vigreux, Annette Wievorka, Serge Wolikow, ont fait beaucoup pour mieux saisir l’apport de Maurice Thorez tout en le resituant dans le contexte de son époque. C’est ainsi qu’on peut apprécier maintenant le rôle d’Eugène Fried, envoyé de l’Internationale communiste auprès du PCF, et les liens étroits qu’il noua avec Maurice Thorez, ainsi que la part de l’Internationale dans l’émergence de la stratégie audacieuse et créatrice du PCF au moment du Front populaire.

De nombreux ouvrages ont été écrits pour cerner le personnage, comprendre l’homme issu des couches populaires du Nord de la France pour devenir l’homme d’État que l’on sait. Rien n’est linéaire dans ce parcours atypique à nul autre pareil et qui n’a eu de cesse toute sa vie durant de remercier les mérites de l’école laïque et de ses instituteurs ; un personnage qui a marqué son parti d’une empreinte indélébile, pour l’unité de la classe ouvrière, pour l’unité du peuple de France.

Dire cela, c’est déjà prendre parti. Et alors ? Prendre parti pour Maurice Thorez, c’est avant tout tenter de comprendre la complexité de ces années qui virent s’abattre sur le monde deux guerres mondiales et leurs dizaines de millions de morts. Ce contexte explique aisément que Maurice Thorez ait tenu à faire saluer le nom de Staline au lendemain du 20ème congrès du PCUS. Un nom qui s’identifiait pour lui au tribut donné par l’Union soviétique à la victoire contre le nazisme, car, faut-il le rappeler, 80 % des soldats de la Wermarcht furent tués sur le front de l’Est. Dire cela n’est pas justifier l’erreur de ne pas publier en France le rapport Krouchtchev.

Maurice Thorez : le choix de l’unité

C’est à la tête du jeune Parti communiste que le jeune dirigeant marque son empreinte en luttant pied à pied contre l’opportunisme hérité des vieux partis de Frossard, Souvarine, Sellier…, tout en luttant résolument contre les différents sectaires de « gauche ». 1930 marque un tournant décisif, une prise de conscience qui fera dire à certains avec excès : « Le parti avait des dirigeants, il a désormais un chef ». Le 25 juillet 1930, il écrit dans l’Humanité : «  Trop de « mécanisme », de sectarisme, de phrases pseudo-révolutionnaires subsistent et rejettent le nouvel adhérent ». Le 6 novembre 1930, il écrit aussi : « le fascisme, c’est la proclamation ouverte à la dictature de classe de la bourgeoisie, mais c’est aussi la démagogie outrancière auprès des travailleurs ».

Mais le texte que nous devons souligner pour sa clairvoyance, c’est cet appel du 13 octobre 1930, qui deviendra le cri du Front populaire en y ajoutant la liberté : « La paix et le pain, telle est bien la question angoissante que se posent, à travers le monde, des millions d’hommes écrasés sous la dure loi du capitalisme ». C’était là des prémices, et combien savent qu’ensuite, ce fut Maurice Thorez qui, en 1934, face au danger fasciste, fut à l’origine du Front populaire ? Combien savent encore le rôle qui fut celui du PCF quand se déclencha la guerre d’Espagne et qu’alors que le gouvernement français refusait aux républicains espagnols les armes dont ils avaient besoin, il fut à l’initiative des Brigades internationales ? Les querelles sur la date de l’entrée en résistance du PCF sont d’ailleurs étranges : c’est avant l’heure qu’il entrât en résistance quand d’autres forces politiques capitulaient.

Par sa volonté, Maurice Thorez trace un chemin tout en se faisant l’héritier du POF de Jules Guesde pour donner un socle plus large, une assise de masse, un rayonnement national au jeune Parti communiste, comme de Jaurès et de son combat pour éviter la guerre jusqu’à son assassinat.

D’un même mouvement, comme le souligne Waldeck Rochet : « Les communistes, sous son impulsion, ont repris les meilleures traditions républicaines. Ils ont mêlé les plis du drapeau tricolore à ceux du drapeau rouge et les accents de la Marseillaise au chant de l’Internationale. » Il ne s’agit pas là d’une affirmation de pure forme. Il faut se souvenir que les États-Unis projetaient au lendemain du débarquement de mettre la France sous leur administration avec le concours direct des vichystes. C’est le choix, qui n’allait pas de soi, fait par Maurice Thorez et les autres dirigeants du PCF de l’alliance avec De Gaulle qui fit échouer ce projet, qui aurait donné un tout autre visage à la Libération, et certainement pas celui des conquêtes sociales.

L’unité, sa marque de fabrique et l’action, son maître mot. Car comprendre Thorez c’est surtout comprendre que la théorie sans pratique n’est qu’une parure susceptible de vous conduire à des divagations, à des errements.

Aragon, dans un article de 1950 paru dans La tribune des Mineurs et mis en lumière par Lucien Wasselin, écrit le mérite très haut du livre de Jean Fréville Fils du peuple, précisément de nous montrer Maurice Thorez dans la nation : « Cette politique nationale qui continue contre la Marschallisation de la France, contre la soumission aux industriels d’Amérique, contre le pacte atlantique qui prépare de nouveau la guerre, c’est cette politique de paix, de lutte pour la paix qui fait la politique de Maurice Thorez ».

Oui, Maurice Thorez c’est un pan de l’histoire du PCF, de l’histoire du mouvement ouvrier, de l’histoire de France.

On pourrait dire encore tant de choses, mais dans l’actualité de cette année 2024, dans le territoire qui l’a vu naître, Noyelles Godault, Hénin Liétard, Courrières, Montigny-en-Gohelle…

En effet, nous sommes confrontés à une tentative de renversement de l’histoire par une imposture sociale incarnée par le Front national et la famille Le Pen.

Une forme d’insulte à l’histoire qui me fait dire avec conviction que c’est par le populaire que nous avons le moyen de combattre le populisme, c’est par notre unité de valeur que nous pouvons trouver le bon remède, le pharmakon dirait le philosophe dans une terre empreinte de lutte, de souffrance et de solidarité.

Marx disait que celui qui ne connaît pas l’histoire se condamne à la revivre. En fait, ce que nous dit l’auteur du Manifeste, c’est que surtout, nous nous condamnons à ne pas faire l’histoire. C’est justement cela que je perçois dans l’action du dirigeant, homme d’État nommé Maurice Thorez. C’est pour cela que, sans fard, je déclare que comprendre Thorez, c’est comprendre que nous pouvons encore faire l’histoire.

Dans un merveilleux mot, Jean Fréville écrit ceci pour résumer la pensée de Thorez : « réconcilier le passé et l’avenir en ne gardant de l’un que ce qui peut servir l’autre ». D’une actualité brûlante qui devrait guider nos réflexions et nos actions communes.

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