Par Nicolas Pomiès, Vice-président de Mutuale, la Mutuelle Familiale
À l’occasion de ses « Rencontres des entrepreneurs de France » (REF), le syndicat patronal MEDEF a ressorti son mantra qui existe depuis 1945. La formule est simple : haro sur les cotisations sociales, déconnexion du travail de la protection sociale des travailleurs et institution d’une TVA sociale sur les prix à la consommation.
C’est ainsi que le salaire net serait augmenté et le salaire brut baissé et que les entreprises retrouveraient une compétitivité dans le libre échange mondial. C’est la fameuse baisse des charges sans cesse réclamée par le MEDEF.
Or, la baisse des cotisations sociales et leur substitution par l’impôt n’est pas nouvelle puisque la part des impôts dans le financement de l’assurance sociale a déjà été en forte hausse ces dernières années. En réalité : les cotisations représentaient 90 % du financement de la "Sécu" en 1990, cette part était descendue en 2022 à 54 %.
La baisse des cotisations sociales couplées aux nombreux transferts de remboursements du régime général vers les organismes de complémentaire santé a mécaniquement pour effet d’augmenter le coût de leurs cotisations. En ce qui concerne l’assurance maladie, ces coûts sont d’ailleurs pris en charge par les entreprises à hauteur de 50 % depuis l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013.
L’idée principale de la TVA sociale consiste à augmenter les prix des produits importés et à compter sur les touristes pour payer les protections sociales des Français. L’instauration d’une telle TVA aurait, selon ses thuriféraires, pour effet d’injecter des fonds pris sur la vente de produits fabriqués sans beaucoup de main-d’œuvre.
Plusieurs économistes, dont Henri Sterdyniak des Économistes atterrés, ont démontré que la TVA sociale n’est pas un outil miracle qui fournirait des gains de compétitivité sans perte de pouvoir d’achat des salariés ou des retraités. Elle ne permet pas de faire supporter aux producteurs étrangers des charges que les cotisations employeur feraient supporter à des salariés nationaux.
La TVA sociale ne favorise pas le travail au détriment du capital. Dans l’économie ouverte dans laquelle nous sommes, le risque inflationniste serait d’autant plus fort que l’on peut craindre que les entreprises ne répercutent que lentement la baisse de leurs charges tandis que les distributeurs répercuteront immédiatement la forte augmentation de la TVA et que la forte hausse de l’inflation la première année (de l’ordre de 1,5 point) peut remettre en cause la faiblesse actuelle des hausses de prix et de salaires.
Il est fort probable que les prix augmentant, les chefs d’entreprises bloqueraient les salaires et agiraient pour limiter encore plus les prestations sociales. Certes, des gains de compétitivité pourraient provisoirement apparaître. Mais il faudrait annoncer clairement que la TVA sociale fera baisser le pouvoir d’achat des salaires et des retraites, ce qui n’est guère social.
Et Henri Sterdyniak d’expliquer que l’instauration d’une TVA sociale « ne remplace pas une réforme de l’organisation de la politique économique de la zone euro [1] ».
C’est dans une note dans la revue Constructif de la Fédération française du bâtiment que notre économiste explique avec Catherine Mathieu de l’OFCE que « la survie de la zone euro suppose que le projet européen redevienne populaire, donc porteur de croissance, de progrès sociaux et de solidarité. Ce n’est qu’à cette condition que des progrès institutionnels pourraient être réalisés [2] ».
C’est donc bien l’intervention populaire qui remettra notre économie sur les rails du progrès. C’est la tâche à laquelle nous devons tous nous atteler sans écouter les mantras éculés du MEDEF.