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Rencontre

Pour Alain Rouy « il n’y a pas d’autre chemin pour la survie de l’humanité que la paix »

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Mise à jour le 20 juillet 2024
Temps de lecture : 6 minutes

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BRICS ONU OTAN

Le sommet de l’OTAN fermait ses portes le 11 juillet dernier à Washington. Quelques jours plus tôt, Alain Rouy, Secrétaire national du Mouvement de la paix et vice-président de IPB, International Peace Bureau, ONG internationale accréditée à l’ONU, intervenait au contre-sommet pour la paix dans la capitale américaine.

Il y rappelait d’emblée que l’OTAN « n’est pas une alliance militaire défensive » comme certains la présentent, mais bien une « alliance offensive au service des puissances occidentales, États-Unis en tête ».

Il a répondu à quelques questions pour Liberté Actus à cette occasion.

Vous précisez dans chacune de vos interventions que « l’OTAN n’a aucun intérêt à voir cesser la guerre en Ukraine ». Qu’est-ce qui explique cela ?

D’abord parce que l’OTAN n’est pas une alliance militaire défensive comme elle le prétendait du temps de la guerre froide face au danger de l’expansionnisme soviétique. Ce danger a disparu avec la dislocation de l’URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie et pourtant l’OTAN a continué d’exister et s’est même étendue à de nombreux pays est-européens, contrairement aux assurances verbales données à l’époque à Mikhaïl Gorbatchev. Ce faisant, elle a révélé sa véritable nature qui n’est pas tant de « protéger » les États membres que de les arrimer au camp atlantique, assurant ainsi l’hégémonie des États-Unis. L’article 5 du traité instituant l’OTAN qui stipule l’engagement de tous les autres aux côtés d’un État-membre attaqué n’a été mis en œuvre qu’une seule fois concernant l’Afghanistan suite aux attentats du 11 septembre 2001 : on était très loin de la défense euro-atlantique, mais très proche des intérêts spécifiques de la puissance américaine.

Ensuite, l’OTAN est devenue un formidable marchand d’armes, essentiellement américaines. En exigeant l’augmentation des dépenses d’armement des états-membres à hauteur de 2 % du PIB et en organisant les livraisons d’armes à l’Ukraine et prolongeant la guerre sans aucune perspective de négociations de paix, l’OTAN alimente le complexe militaro-industriel qui fait actuellement des profits record. Mais la guerre profite aussi aux énergéticiens US qui vendent massivement à l’Europe leur gaz de schiste dont l’extraction est interdite en Europe pour raisons écologiques. Les sanctions contre la Russie et maintenant contre la Chine profitent à l’économie américaine alors qu’elles pénalisent gravement l’Union européenne. La guerre en Ukraine est d’un point de vue économique une aubaine pour les États-Unis et l’OTAN est bien le bras armé des USA qui fait prévaloir les intérêts américains au détriment de la recherche de la paix.

Plus généralement, l’OTAN n’est pas un instrument au service de la sécurité internationale. Les sommets de Madrid en 2022 et Vilnius en 2023 ont acté la mondialisation de l’OTAN qui ne s’intéresse plus seulement à l’espace euro-atlantique, mais se déploie en Asie et multiplie les accords de « défense » et de « sécurité » avec de nombreux pays du monde entier. Il s’agit de lutter contre l’influence de pays qualifiés de « rivaux systémiques » par l’OTAN, la Chine et la Russie, coupables de remettre en cause le système économique et commercial dominé par les États-Unis. L’OTAN ressuscite la politique de blocs en désignant ses adversaires  ; son moyen d’action, c’est la force, la supériorité militaire et, si nécessaire, les interventions armées et la guerre.

Si l’OTAN, c’est « la militarisation sans fin des relations internationales », est-il toujours possible de s’appuyer sur le droit international pour faire taire les armes ?

C’est même plus nécessaire que jamais et l’on voit de plus en plus de pays qui refusent la tutelle des puissances occidentales, notamment en Afrique, en Asie, en Amérique latine. L’OTAN n’est pas à leurs yeux une garantie de sécurité, bien au contraire, elle rend le monde moins sûr. Les interventions américaines ou occidentales en Afghanistan, en Irak, en Libye ont eu des conséquences désastreuses pour les peuples de ces régions qu’elles ont déstabilisées durablement. Sur le plan financier, monétaire et commercial, on voit les BRICS+, un groupe de désormais neuf pays émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie et Iran, réfléchir à d’autres modèles de développement et s’opposer à l’ordre économique existant. Ils remettent en cause le rôle du dollar américain dans les échanges internationaux et veulent en revenir aux principes et objectifs économiques et sociaux contenus dans la Charte des Nations Unies.

À lire aussi : BRIC, BRICS puis BRICS + : de quoi s’agit-il ?

La domination occidentale n’est plus sans partage, ce qui ne la rend pas moins dangereuse pour la paix mondiale. Mais les forces alternatives existent qui se font de plus en plus entendre, notamment à l’Assemblée générale de l’ONU. L’urgence pour elles, c’est de réhabiliter, renforcer et améliorer le multilatéralisme dont l’ONU est le lieu privilégié, on le verra lors du « Sommet pour l’avenir » qui se tiendra à New York en septembre prochain.

Les USA, le G7 ou l’OTAN ne sont pas parvenus à se substituer aux instances internationales légitimes. Il faut maintenant réhabiliter les notions de sécurité collective, de coopération mutuelle, de codéveloppement et de règlement des conflits par la négociation. C’est indispensable pour que l’humanité tout entière puisse faire face aux immenses défis climatiques et démographiques qui pourraient mettre son existence en péril.

Voilà des années qu’une petite musique imprègne les esprits. Il ne serait ni possible de sortir des conflits en cours autrement que par les armes, ni possible de sortir de l’OTAN pour concevoir d’autres coopérations internationales.

Ce n’est pas une petite musique, c’est la grosse fanfare médiatique orchestrée par les grandes puissances financières occidentales et les marchands d’armes qui sont aussi par ailleurs les propriétaires des grands moyens d’information. D’où la nécessité de ne rien lâcher sur les solutions alternatives qui existent et qui remettent en cause le pouvoir de l’argent.

Il n’y a pas d’autre chemin pour la survie de l’humanité que la paix, à nous de mener la bataille idéologique pour en convaincre nos concitoyens, à nous de faire évoluer l’opinion publique pour qu’elle devienne incontournable. La lutte pour la paix est une lutte véritablement révolutionnaire qui vise à transformer l’ordre international existant : n’épargnons pas nos efforts pour la mener !

Propos recueillis par Esteban Evrard
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