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Paola Breizh - CC BY 2.0
Entretien avec Alain Ruscio

« Le massacre du 17 octobre 1961 est un crime d’État »

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Mise à jour le 23 octobre 2024
Temps de lecture : 4 minutes

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Algérie

Historien-chercheur, auteur de nombreux ouvrages, Alain Ruscio a consacré l’essentiel de son travail, dans un premier temps, à la colonisation française en Indochine puis à la guerre d’Indépendance algérienne.

À l’occasion de la commémoration des massacres d’Algériens le 17 octobre 1961, à Paris, il répond aux questions de Valère Staraselski pour Liberté Actus.

Vous faites démarrer la première Guerre d’Algérie le 14 juin 1830. Pourquoi  ?

C’est à dessein que j’ai intitulé ce livre La PREMIÈRE guerre d’Algérie, beaucoup moins étudiée que la SECONDE, la guerre d’indépendance, dont on célébrera ces jours-ci le moment-clé, l’insurrection du 1ᵉʳ novembre 1954.

Je savais déjà, par diverses lectures, que l’ère de la conquête de l’Algérie avait été meurtrière et inhumaine. Dès que je me suis attelé à l’étudier de près, j’ai découvert un véritable océan de drames, dont la population civile algérienne a été la première victime face à « cette armée féroce par l’Algérie » comme l’a écrit en son temps Victor Hugo.

Donc cette date, 14 juin 1830, moment où les premiers soldats français ont débarqué, n’a pas été seulement le début d’une guerre - car une résistance ne tarda pas à se mettre en place - mais en fait le début d’une longue série d’exploitation et de malheurs qui a duré 132 années !

Que retenir du mouvement communiste et de la Guerre d’Indépendance algérienne  ?

Il faut, comme je l’ai fait dans un autre livre, partir non pas de ce que l’on sait aujourd’hui de l’insurrection algérienne et de la répression française, mais de ce qui était l’état de l’opinion moyenne française pour qui « l’Algérie, c’était la France ». Si le PCF mit quelque temps à comprendre le saut qualitatif qui venait de se produire, il fut la seule force à dénoncer dès le premier jour la répression, les ratissages, les tortures. L’étape suivante fut la sortie progressive du schéma ancien de la « nation en formation » , qui se révéla totalement inapproprié, pour parvenir à l’affirmation que l’Algérie était une nation, constituée, achevée depuis longtemps.

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le mot d’ordre « Indépendance de l’Algérie » est apparu dans la presse communiste dès le printemps 1955, même si « Paix en Algérie » dominait dans les slogans. La masse, alors considérable, des militants entama une difficile lutte de conviction auprès de la population. Ces militants ne furent pas les seuls, évidemment. D’autres, dont d’ailleurs des communistes, mais aussi des chrétiens de gauche, des trotskistes, alimentèrent des réseaux de soutien au FLN.

Comment pourtant ne pas évoquer également une tache sur l’histoire du PCF : le vote des pouvoirs spéciaux de mars 1956, fruit d’une stratégie qui se révéla catastrophique, privilégiant une forme d’union de la gauche avec la SFIO et le parti radical, sous le mot d’ordre de Front populaire, union censée pouvoir déboucher sur une paix négociée. C’était oublier, pour paraphraser Marx, que la libération des colonisés ne pouvait être le fruit d’abord que de la lutte des colonisés.

Une dernière chose : je consacre dans mon livre une grande part à la lutte des communistes algériens, certes liés au PCF, mais qui appliquèrent une politique plus axée sur l’alliance avec le nationalisme algérien.

Que pouvez-vous nous dire de ce qu’une certaine version officielle a appelé les « événements » d’octobre 1961, dont l’apogée se situe le 17 octobre 1961 ?

Ce ne furent pas des « événements » mais bel et bien un crime d’État. C’est le préfet Papon qui signa le texte interdisant de fait aux Algériens d’arpenter les rues de la région parisienne après 20 heures.

Mais ce fut après une réunion tenue sous la direction de Michel Debré, Premier ministre et de Roger Frey, ministre de l’Intérieur. De Gaulle avait évidemment été informé. La fédération de France du FLN a refusé ce diktat et a appelé les familles algériennes de descendre pacifiquement dans la rue le 17 octobre. On connaît la suite : un déchaînement immédiat, le matraquage des manifestants, femmes et enfants compris, et surtout l’assassinat de plusieurs centaines d’Algériens, jetés dans la Seine, tués par balles ou pendus dans des arbres.

Ce fut un des pires moments d’importation des méthodes habituelles en terres coloniales, mais cette fois dans Paris. Je le répète, ce fut un crime d’État, et le mouvement associatif, soutenu par de nombreux historiens, exigent que cela soit reconnu comme tel.

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