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Géopolitique

Une volte-face de Trump sur l’Ukraine, vraiment ?

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Mise à jour le 10 octobre 2025
Temps de lecture : 6 minutes

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Ukraine Russie ONU États-Unis Donald Trump

Donald Trump a encore surpris son monde. Sur Truth Social, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, le président des États-Unis a affirmé que l’Ukraine était « en position de reprendre l’intégralité des territoires perdus » et que la Russie, « tigre de papier », connaissait de « grandes difficultés économiques ». Une posture tranchant avec l’orientation compréhensive vis-à-vis de la Russie fréquemment adoptée jusque-là.

Aussitôt, commentateurs et chancelleries occidentales se sont emballés. Emmanuel Macron y a vu « un signal positif », Zelenski a salué « un soutien précieux », et dans la presse atlantiste qui aime prendre ses désirs pour des réalités, on a parlé d’une « volte-face » de Trump, comme si le volatile Président venait d’annoncer un engagement renforcé des États-Unis aux côtés de Kiev.

Une lecture trop rapide des intentions trumpistes

Mais croire que Trump a viré de bord, c’est oublier son style imprévisible et volatile et surtout faire fi du réel qui se cache derrière les mouvements d’humeur. Entre les lignes, son message ressemble moins à une conversion subite qu’à un constat de vérité : dans les conditions actuelles, aucun accord de paix ou cessez-le-feu n’est possible. La Russie n’a pas changé d’objectifs depuis février 2022. Pour la Fédération de Russie, il n’existe, à l’heure actuelle, pas d’alternative à la poursuite de la guerre pour les atteindre, et Moscou ne fera pas machine arrière sans garanties sur les causes profondes de la guerre, à savoir le statut de Kiev et l’architecture de sécurité sur le continent européen.

En réalité, Trump paraît surtout préparer les esprits à un désengagement progressif des États-Unis du dossier ukrainien. Sur le plan militaire, Trump n’a rien annoncé de nouveau et pourrait même accélérer son désengagement en matière de soutien direct, laissant aux Européens le soin de continuer à armer Kiev.

Sur le plan diplomatique, la recherche d’un compromis de paix serait reléguée au second plan face à l’impasse créée par des positions irréconciliables. Donald Trump ménage ainsi l’aile isolationniste des républicains en n’annonçant aucun soutien direct à l’Ukraine ni sanctions, comme l’aile néoconservatrice en adoptant un discours de façade de soutien à l’Ukraine. L’entretien entre Marco Rubio et Sergueï Lavrov n’a par ailleurs pas laissé entrevoir de réelle inflexion dans la politique américaine vis-à-vis de la Russie.

La voie est libre pour les bellicistes et les fédéralistes

En définitive, si elle veut poursuivre sur la voie de l’affrontement avec la Russie, l’Union européenne se retrouvera seule en première ligne. Non seulement elle devra poursuivre le financement d’une guerre sans issue, mais surtout, elle devra acheter massivement des armes américaines – pour elle-même et pour l’Ukraine. Une vassalisation quasi-totale renforcée par un sevrage forcé et accéléré des importations d’hydrocarbures et de combustibles nucléaires russes.

Si la paix s’éloigne et condamne les peuples européens à subir économie de guerre, casse sociale et propagande guerrière, le retrait américain risque de donner des ailes aux plus va-t-en-guerre du continent, comme les pays baltes ou la Pologne, dont l’orientation géopolitique est déjà surreprésentée dans les instances bruxelloises. Ils pousseront encore davantage à l’escalade. De leur côté, la Commission européenne et les fédéralistes d’Europe de l’Ouest verront dans cette situation un prétexte pour renforcer leur projet de fédéralisation politique et militaire, en témoigne l’absence de réaction des gouvernements souverains à l’empiétement manifeste et répété d’Ursula von der Leyen sur les compétences nationales en matière de politique étrangère et de défense.

La Russie ne s’effondre pas, elle se détourne

Contrairement aux vœux pieux de certains et aux propos caricaturaux du président Trump, la Russie n’est pas au bord de l’effondrement économique. Si elle rencontre des difficultés passagères, liées à la baisse des recettes fiscales ou l’inflation, elle n’est pas en récession et la situation est sans commune mesure avec l’état des économies européennes. La Russie parvient par ailleurs à desserrer peu à peu l’étau occidental grâce au pivot asiatique. Dernier exemple : l’accord avec la Chine, qui accepte désormais d’importer du GNL russe produit par Arctic LNG 2, pourtant sous sanctions secondaires américaines.

La Russie a pris acte d’une rupture profonde et irréversible avec l’Europe, elle ne formule aucun espoir dans une levée des sanctions ou dans un retour des investisseurs étrangers. Elle poursuit ses objectifs militaires et sa réorientation économique au profit de la production nationale et des partenariats asiatiques. Elle avertit enfin qu’elle défendra ses intérêts quel qu’en soit le prix et que toute montée en puissance européenne sur le terrain ukrainien sera considérée comme une provocation majeure.

L’Amérique d’abord, l’Europe vassalisée

En somme, Trump n’a pas changé de ligne. Il dit aux protagonistes du conflit : « bonne chance à tous ». Les États-Unis défendront d’abord leurs propres intérêts. Et si la guerre en Ukraine doit continuer, ce sont les peuples européens qui en paieront la facture – financière, militaire et politique.

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