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Antonin Albert/shutterstock
Jean-Noël Barrot

Un langage fort peu diplomatique

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Mise à jour le 30 mai 2025
Temps de lecture : 4 minutes

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Ukraine Russie Union européenne Gouvernement

Au moment où allaient s’ouvrir à Istanbul les premières négociations russo-ukrainiennes depuis 2022, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, affirmait vouloir « prendre la Russie à la gorge », au moyen de sanctions « dévastatrices ». Outre que c’est ici un langage qui ne sied guère à un diplomate, M. Barrot semble ne pas se souvenir qu’avant lui, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, avait affirmé que grâce aux sanctions, « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe ». C’était en mars 2022.

Trois ans plus tard, la Banque de France a abaissé sa prévision de croissance pour 2025. L’économie allemande est en récession pour la deuxième année consécutive. L’UE s’enfonce dans la crise. Dans le même temps, selon le Fonds monétaire international (FMI), en termes de PIB réel, l’économie russe a subi une modeste baisse de 1,2 % en 2022, avec une croissance de 3,6 % en 2023. Et la Russie table sur une nouvelle croissance de 4,1 % en 2024. La Russie a également connu un boom sans précédent des salaires réels et des investissements intérieurs.

Les sanctions contre la Russie se sont non seulement retournées comme un boomerang contre leurs protagonistes mais elles ont offert des opportunités à Moscou tant dans la diversification de ses échanges que dans le développement de ses propres ressources économiques.

Aveugles devant cette réalité, les occidentaux continuent néanmoins à vouloir « prendre la Russie à la gorge ».

On rêverait d’avoir au Quai d’Orsay un Couve de Murville, Dumas, un Védrine ou un de Villepin, on a un Barrot. Celui-ci tire son inspiration d’un sénateur républicain américain russophobe et ultra-réactionnaire, Lindsey Graham. M. Barrot lui reprend son idée d’imposer à la Russie des droits de douane de 500 % sur les importations de pétrole russe et de 500 % sur les pays qui aujourd’hui continuent d’importer du pétrole russe.

Une telle proposition revient à faire voler en éclats les équilibres difficilement négociés entre Washington et Pékin en matière de droits de douane, la Chine étant le premier client de la Russie en hydrocarbures. Et du point de vue français, ce serait tout simplement se tirer une balle dans le pied. La Russie était même le deuxième fournisseur de GNL de la France en 2024. Les volumes importés ont augmenté de 81 % en 2024, représentant 2,68 milliards d’euros a indiqué fin février l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). Selon latribune.fr du 5 mars dernier, «  Environ un tiers (34 %) des importations de GNL de la France en 2024 provenait de Russie, qui était son deuxième fournisseur de GNL, derrière les États-Unis (38 %) et devant l’Algérie (17 %) ».

La France est également très dépendante des engrais russes. Depuis le début du conflit, les importations de ces fertilisants ont augmenté de 86 %, de 402 000 tonnes en 2021 à 750 000 en 2023.

Est-ce que le ministre des Affaires étrangères appartient au même gouvernement que celui de l’Économie  ? Comment François Bayrou coordonne-t-il les déclarations de ses ministres  ? La confusion règne. Elle coûte déjà cher. Qu’en sera-t-il si les vœux du très guerrier locataire du Quai d’Orsay étaient exaucés ?

M. Barrot peut certes compter sur le soutien du président de plus en plus converti en chef de guerre. Macron et ses acolytes allemands, britanniques et polonais, les chefs de la « coalition des volontaires » et leur marionnette de Kiev s’évertuent de torpiller les fragiles négociations « directes » entamées le 16 mai à Istanbul.

Ils n’ont tiré aucune leçon de ce qui s’est passé le 9 mai à Moscou. On ne parle pas ici de la parade militaire, mais des rencontres diplomatiques qui s’y sont déroulées  ; de la présence de 37 chefs d’État et de gouvernement, venus de tous les continents  ; des relations encore renforcées de la Russie et de la Chine ; de la forte représentation de l’Afrique.

À Moscou, le 9 mai, c’est la « majorité mondiale » qui s’est retrouvée.

MM Macron (et Barrot), Keir Starmer, Friedrich Merz ou Donald Tusk et bien sûr Trump sont aujourd’hui dans la minorité. Ils l’ont compris. Ça les agace.

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