Trop souvent catalogué de « populiste antimigrants », il se définit en réalité comme un souverainiste de gauche et antifasciste, ce qui le distingue fondamentalement de Viktor Orbán, même si tous deux partagent le combat pour la primauté des nations face à Bruxelles et aux cercles euro-atlantistes.
Fico s’est récemment illustré le 9 mai dernier, en participant à Moscou aux célébrations du jour de la victoire dans la Grande Guerre patriotique. Seul dirigeant de l’UE présent, il dut, pour y parvenir, emprunter un itinéraire alternatif après que les pays baltes ont refusé le survol de son avion. Ce déplacement hautement symbolique lui avait déjà permis de rencontrer en bilatéral, les Grands de ce monde. Dans une Europe centrale marquée par plus de trente ans de révisionnisme historique violemment anticommuniste, Robert Fico fait par ailleurs de la préservation de la mémoire des sacrifices de l’armée rouge et des partisans antifascistes, une cause centrale.
Cette trajectoire s’accompagne d’une résistance personnelle : victime d’une tentative d’assassinat en mai 2024, Fico est aujourd’hui la cible d’une opposition interne qui ne jure que par Kiev et Bruxelles. Dernier exemple ironique en date : son voyage en Chine a été dénoncé par le leader de l’opposition au motif qu’il « isolerait la Slovaquie ». Or, Fico assume depuis son retour au pouvoir une politique étrangère ouverte vers « les quatre coins du monde », visant à diversifier les alliances plutôt qu’à se cantonner à un seul bloc. À Tianjin, il doit rencontrer Xi Jinping et Vladimir Poutine, illustrant sa volonté de replacer la Slovaquie au cœur du jeu multipolaire.
Loin d’isoler la Slovaquie, cette stratégie rehausse son rang sur la scène internationale en lui donnant une voix singulière et courageuse. Tandis que l’Union européenne se replie et se coupe d’une bonne partie du monde, Robert Fico ravive une diplomatie non alignée et pacifique, consciente des réalités géopolitiques, et il le fait au nom d’une Slovaquie de taille modeste mais résolue à défendre sa souveraineté en dépit des menaces croissantes de Bruxelles, Berlin et de l’opposition intérieure.
Il est indispensable de dépasser les anathèmes convenus habituels sur Robert Fico. Sa politique, en particulier sur le plan international, mérite d’être examinée avec lucidité et sans caricature.