Depuis quelques mois, alors que la frénésie olympique se rapproche, une petite musique se fait entendre, de plus en plus lancinante jusqu’à irriguer éditos et débats des chaînes d’infos : « les syndicats menacent de gâcher la fête avec des préavis de grève ! »
C’est l’occasion pour les médias du Capital d’égrener la liste des prétendus privilégiés qui font monter la pression en cette période particulière : les cheminots, le secteur aérien, les conducteurs de la RATP, fonctionnaires ect… Tout en nous rejouant la fable de l’unité nationale et populaire, de la parenthèse enchantée des Jeux qui nous ferait tout oublier car « on en aurait besoin », si elle se passe sans accroc bien entendu.
Passons outre qu’une fête où la place pour la cérémonie d’ouverture chiffre à 2700 euros minimum et que le ticket de métro coûtera 4 ou 5 euros est autant populaire que la Rolex de Séguéla. Ce qui nous intéresse ici est l’argument selon lequel les éventuels grévistes « profiteraient » du contexte des JO pour avancer leurs pions. Cet argument, il est répété ad nauseam par les cerbères médiatiques, alors même que le gouvernement a le trouillomètre à zéro. Il faudrait leur rappeler que, lorsqu’en 2023 les Macronistes ont tablé sur les problèmes de pouvoir d’achat et d’hyperinflation pour empêcher les salariés de trop se mettre en grève face à la réforme scélérate des retraites, ils n’ont pas été, eux, accusés de « profiter du contexte » de façon opportuniste.
Rappelons donc à tous que le capitalisme est une jungle sans fair-play où se mène une guerre asymétrique entre le Capital et le Travail dans laquelle chacun tente de profiter du terrain quand il lui est favorable. Pleurnicher quand les travailleuses et travailleurs le font avec les moyens dont ils disposent, sans moufter lorsque la réciproque est vraie pour le patronat et ses laquais, constitue une grosse ficelle éculée qui ne doit tromper personne.
Une des stratégies des libéraux et des capitalistes a toujours été de proposer des moments où on serait tous dans la même charrette, dans une séquence de collaboration de classes et si possible, en jouant sur la fibre patriotique ou nationaliste. Le sport et son business jouent le rôle d’ersatz des conflits militaires depuis plusieurs décennies. Dès lors que le gouvernement en place a cassé les droits du salariat sans discontinuer depuis 2017, il n’y a aucune trêve à déclarer. Dès lors que les Macronistes continuent à traquer les chômeurs avec une 3ᵉ réforme de l’Unedic, il n’y a aucune raison de mettre la démocratie sociale et syndicale entre parenthèse.
Dès lors que Stanislas Guerini ne trouve rien de mieux que de déclarer en avril qu’il est temps de faciliter les licenciements de fonctionnaires, quand on lui demande de revaloriser le point d’indice, il n’y a aucune raison de ranger le drapeau rouge de la contestation et de brandir à la place la flamme olympique ou le fanion bleu, blanc, rouge du supporter. À dire vrai, au vu des avancées immédiates obtenues par ceux qui ont menacé de faire grève dans la période, il faut faire en sorte que cette pratique se diffuse dans un ruissellement fécond et salutaire dans tout le monde du travail.
C’est le moment où jamais de lancer des grèves olympiques en lieu et place des trêves olympiques avec lesquelles Tony Estanguet, l’homme qui nous promettait les transports gratuits pendant les JO, nous serine tant.
À tous ceux qui nous traiteraient d’opportunistes, nous dirons que si la joie collective devant des victoires sportives et des médailles d’or est fugace, celle d’avoir un salaire digne et des conditions de travail optimales se savoure longtemps et concrètement.