La souffrance des Gazaouis est à son paroxysme et de plus en plus rares sont ceux qui nient la famine organisée, le nettoyage ethnique et le processus génocidaire. Avec l’intensification des frappes, Israël veut aussi appliquer une loi qui empêche toute aide humanitaire à Gaza.
La décision d’Emmanuel Macron de reconnaître l’État de Palestine (tout en demandant la démilitarisation de ce dernier, ce qui est aberrant), la volonté du Canada et du Royaume-Uni (sous conditions) d’aller en ce sens, les demandes pressantes d’un cessez-le-feu, le malaise face à la famine, etc. sont autant de signes qui devraient en principe faire bouger les lignes.
C’est tout l’inverse qui se passe. Tenu par son extrême droite, par sa situation personnelle et par sa propre idéologie, Nétanyahou veut aller jusqu’au bout. C’est une seconde Nakba (la catastrophe de 1948 avec l’exil forcé des Palestiniens) qu’il est en train de mettre en œuvre, mais cette fois avec une violence sans précédent sous-tendue par un génocide.
Même si au fond, plus personne ne peut plus croire en la propagande agressive et mensongère d’Israël, même si les familles des otages menacent d’une grève générale ce dimanche 17 août, même si une partie de l’État-major de l’armée affiche ses divergences avec le pouvoir, rien ne semble devoir arrêter le massacre et la folie du Premier ministre israélien.
Appel de Netanyahou à un passé biblique
Vendredi 8 août, le gouvernement israélien a annoncé son intention d’occuper intégralement Gaza. Mais dès le 18 juillet, la Knesset (le Parlement israélien) a adopté une résolution par laquelle elle s’oppose à la création d’un État palestinien à l’ouest du Jourdain. Elle estime que « l’État d’Israël a un droit naturel, historique et légal sur tous les territoires d’Eretz Israël, la patrie historique du peuple juif. La Knesset appelle le gouvernement israélien à prendre dès que possible des mesures pour appliquer la souveraineté — la loi, la juridiction et l’administration israéliennes - à toutes les zones du peuplement juif, sous toutes leurs formes, en Judée, en Samarie et dans la vallée du Jourdain. »
Le 23 juillet, cette même Knesset adoptait un texte voulant que « La Judée, la Samarie et la vallée du Jourdain font partie intégrante d’Eretz Israël, la patrie historique, culturelle et spirituelle du peuple juif. »
Volonté d’annexer la Cisjordanie
Certes, le texte de la Knesset ne peut en soi modifier le statut juridique des territoires concernés. Mais le rejet d’une majorité des députés de la création d’un État palestinien entre le Jourdain et la Méditerranée ne peut être sous-estimé. Il s’ajoute à la volonté d’annexer la Cisjordanie, dénommée pour l’occasion par son nom biblique : Judée-Samarie et Vallée du Jourdain.
La volonté israélienne n’est pas nouvelle. Mais, commente Jacques Fath, spécialiste des questions internationales et auteur du récent ouvrage « La guerre, le droit et la paix » (Ed du Croquant, 2025), « il est cependant manifeste que le gouvernement Nétanyahou a saisi ce que certains désignent aujourd’hui comme une "fenêtre d’opportunité" pour imposer, comme s’il s’agissait d’une réalité politique maintenant acquise, les paramètres de l’annexion de la Cisjordanie, de la (re)colonisation de Gaza, de l’expulsion des Palestiniens de Gaza dans un nettoyage ethnique dûment préparé sous une pression militaire rarement égalée. Tout cela dans le contexte d’une violence armée totalement désinhibée, et d’une violence d’action criminelle des colons en Cisjordanie, sous le regard bienveillant des soldats israéliens... »
Plan d’anéantissement
Le 8 août, le cabinet de sécurité israélien a approuvé le plan d’anéantissement total de la bande de Gaza. Cela signifie le nettoyage ethnique de ses habitants et le sacrifice délibéré des otages encore détenus. Ce n’est pas, en effet, en anéantissant les 20 % du territoire qui restent qu’Israël a des chances de libérer les derniers otages. Dès lors, les demandes et exigences des États qui demandent un cessez-le-feu immédiat assorti d’une libération sans conditions des otages perdent de leur poids, sinon de leur sens.
Les frappes sont néanmoins de plus en plus fortes et les morts de plus en plus nombreux, comme en témoigne l’opération de ce 14 août sur la ville de Gaza. L’assassinat cette semaine de six journalistes d’Al Jazeera, portant le nombre de journalistes tués dans ce conflit à plus de 200, révolte autant à Tel Aviv qu’ailleurs dans le monde. Qui se souvient de la présence de Nétanyahou à Paris, en 2015, pour manifester pour la liberté de la presse après les attentats terroristes contre Charlie Hebdo ? Chez lui, aujourd’hui, il considère que les journalistes sont des terroristes.
Le bilan humain, depuis l’offensive israélienne qui a suivi les attentats du 7 octobre 2023, est désastreux. Au 29 juillet 2025, on recensait 60 034 morts, en majorité des civils, des femmes et des enfants, 14 000 disparus, 145 870 blessés.
Imposition d’un fait accompli
« Naturellement, rappelle Jacques Fath, la déclaration de la Knesset est totalement contraire au droit international et aux résolutions des Nations unies, notamment les plus historiquement pertinentes : la 242 (1967), la 338 (1973), mais aussi la 2334 (2016)... (…) Cette déclaration n’est donc pas seulement une escalade dangereuse (une de plus) pour les Palestiniens et pour le Moyen-Orient. C’est l’imposition d’un fait accompli : le vol de la terre palestinienne par la force militaire, et le massacre des Palestiniens (…) Ce qui se déroule sous nos yeux est une page d’inhumanité inédite et de portée historique. »
Les pays occidentaux, dont la France, doivent cesser réellement de fournir des armes à Israël. À Marseille, les dockers français ont encore récemment découvert que les déclarations officielles et les faits sont très différents. Il est également urgent d’imposer des sanctions lourdes à Israël et de couper les accords commerciaux.
Car en Israël, Benyamin Nétanyahou et ses ministres d’extrême droite ne se fixent plus aucune limite. Le désir exprimé ces jours-ci pour un Grand Israël ne laisse aucun doute. Et si Nétanyahou se prend pour Dieu, il n’est pas Nabucco. Il ne reviendra jamais à de meilleurs sentiments et ne mettra jamais fin à son entreprise de destruction de tout un peuple. Faut-il attendre que celui qui rêve d’un Grand Israël sans Palestiniens soit foudroyé ? L’essentiel est de mettre fin à cet opéra particulièrement tragique.