Avant de laisser la parole à l’intervenant, le maire de Cannes ne peut s’empêcher d’y aller de sa brillante analyse géopolitique : « Tous les grands empires illibéraux sont reptiliens et expansionnistes, et la France, présente sur tous les continents, y est confrontée. » La tonalité est donnée. Les grandes puissances du monde deviennent des monstres affamés, et la France une cible désignée, sommée de se préparer.
L’Europe orpheline des États-Unis qui préparent leur affrontement inéluctable contre la Chine
En dressant son panorama des menaces mondiales, le général agite d’abord l’épouvantail du désengagement américain — « pays de la liberté et de la libération », dit-il — insistant sur le retrait des troupes en Roumanie, pays que Moscou aurait menacé dès 2022.
Les choses sont dites et assumées, l’équilibre européen reposait sur Washington et son retrait stratégique nous rend orphelins. Un retrait étatsunien pour assurer un pivot asiatique. Vient donc le tour de la Chine : puissance économique, puissance militaire, puissance douce mais prédatrice… tous les poncifs y passent pour rappeler aux maires qu’il existe une menace chinoise inéluctable, et que les bénéfices économiques des coopérations entretenues par les collectivités avec la Chine risquent de devoir être prochainement oubliés.
Car l’heure du grand affrontement est arrivée, le général Mandon citant cette horloge censée être affichée au Pentagone comptant les jours d’ici 2027, moment où Pékin s’emparerait de Taïwan. Narratif anxiogène, prophéties auto-réalisatrices : la rhétorique guerrière tourne à plein régime.
En Europe, le seul horizon devient la guerre
Évidemment, le général rappelle que la guerre en Europe n’a pas commencé en 2022, mais en 2008 puis en 2014. Et selon lui, rien n’indique que cela s’arrêtera. Une Russie qu’il décrit en pleine préparation d’une confrontation directe avec « nos pays de l’OTAN » d’ici 2030 vient compléter ce tableau apocalyptique.
Au passage, il se félicite même — à mots à peine couverts — que les autorités maliennes et leurs alliés russes échouent à contenir les avancées djihadistes. La déstabilisation des peuples africains devient un argument de communication.
Tout ce panorama alarmiste n’a qu’un objectif : faire accepter l’idée qu’il faut « oublier la paix ». Pour le chef d’état-major, « nous sommes les plus forts économiquement, militairement et démographiquement, mais la nation manque de force d’âme ».
Vient alors l’heure du chantage émotionnel : les maires doivent relayer à leurs administrés qu’il faut accepter de « souffrir économiquement pour prioriser la production militaire sur tout le reste », de « perdre nos enfants », si la nation veut rester elle-même.
Au-delà du ton managérial et du verbiage typique de la communication macroniste, il faut comprendre qu’il ne s’agit plus seulement de parler d’économie de guerre — déjà problématique mais loin, très loin d’être une réalité — mais d’instiller un état d’esprit de guerre dans toute la société. Souder la nation autour d’un ennemi commun, lui faire accepter l’idée qu’en Europe et dans le monde, le seul horizon à 3, 4 ans est la guerre et que si nous voulons avoir une chance de l’éviter, il faudra se faire très mal, pour renflouer les caisses des vendeurs d’armes.
Résister face à la chape de plomb guerrière
Avec ses interventions médiatiques récentes et ce discours devant les élus de la nation, le petit soldat de Macron continue, sur ordre d’un président aux abois, de préparer psychologiquement le pays à un virage militariste, et de justifier l’orientation de nos ressources nationales vers la guerre plutôt que vers les besoins populaires.
Ce chantage permet en outre d’assumer la dilution de notre souveraineté, la fin de l’indépendance stratégique française via l’alignement accéléré sur les positions les plus bellicistes des Pays baltes et scandinaves et de Bruxelles tout en instaurant une chape de plomb guerrière visant à décrédibiliser toute parole de paix.
Heureusement, de nombreux maires — notamment les élus communistes — refusent cette dérive. Ils continueront de faire de leurs communes des refuges de paix, de solidarité internationale, de fraternité entre les peuples. Ils rappelleront que la France n’est jamais plus grande que lorsqu’elle tend la main, pas lorsqu’elle brandit le glaive.