Le problème dans ce débat, comme dans tant d’autres, c’est le manichéisme. Rien n’oppose l’idée d’avoir une économie protégée à celle d’avoir une économie ouverte. A fortiori dans un secteur comme l’automobile où les coopérations « s’imposent » à nous. L’automobile, c’est l’industrie des industries. Il faut savoir articuler un ensemble de domaines pour produire une voiture, de la sidérurgie à l’électronique en passant par la plasturgie et les télécommunications. C’est un marché devenu mondial et qui le restera. Les chaînes d’approvisionnement sont dépendantes les unes des autres.
Mais au moment où l’Union européenne, rattrapée par la réalité, doit négocier avec Pékin et revoir sa politique commerciale, des députés, Rassemblement national en tête, crient au scandale. Sous couvert de « bras-de-fer » et de « jouer au dur », ils conduisent l’industrie automobile française à l’impasse. On ne défend pas notre industrie en insultant l’avenir. On le fait en passant des accords « gagnant-gagnant » et en imposant une production nationale – ce qui suppose des transferts de technologies, entre autres. Il s’agit de faire respecter notre souveraineté de manière effective. Les coups de menton, ça ne fait pas tourner les chaînes de montage. En attendant, on accumule un retard technologique historique dans la filière et les plans sociaux tombent en cascade.
Prenons l’exemple des batteries. L’objectif de Bruxelles et du gouvernement français n’était pas de développer une production efficace, mais de « rattraper la Chine ». Résultat, toute la filière prend du retard et les déboires s’enchaînent. Northvolt, qui avait construit la première gigafactorie du continent, vient de déposer le bilan. ACC, qui devait être l’exemple français de l’industrie des batteries, n’arrive pas à monter en cadence. Les entreprises qui voulaient recycler ces batteries suspendent leurs projets. Pendant ce temps, en Chine, les géants de la filière innovent sans cesse.
Mais pas question de s’autoflageller ! La France a des potentialités industrielles gigantesques : des savoir-faire, des infrastructures, un parc nucléaire formidable, une position géographique inestimable. Alors pourquoi refuser de coopérer et continuer de laisser penser que des barrières douanières vont nous permettre d’avancer ? Par péché d’orgueil ?
De toute évidence, la solution ne vient ni de ceux qui ont dogmatiquement mis fin aux recherches sur le thermique, ni de ceux qui nous vendent un bras-de-fer contreproductif et perdu d’avance. Et ça ne veut pas dire qu’il faut refuser tout mécanisme de protection ! Les barrières douanières ne sont qu’un dispositif de protection parmi d’autres et, en l’occurrence, elles n’ont rien d’efficace en matière d’industrie automobile.
Ne mélangeons pas tout ! Il ne s’agit ni de brandir la guerre économique comme un totem, ni de rêver à un marché libre fantasmé. Ce qu’il nous faut, c’est une politique industrielle offensive, adossée à des coopérations bien négociées, des transferts technologiques réels et une exigence de production sur notre sol. C’est ça, la souveraineté effective. Tout le reste n’est que posture — et pendant ce temps, l’industrie française décline.