On votait dimanche dernier en Moldavie, ce petit pays de moins de trois millions d’habitants, le plus pauvre d’Europe, qui fut une république de l’Union soviétique, pas si pauvre que ça, qui livrait ses fruits, ses légumes et son vin – sa seule « richesse » - dans toute l’Union.
Depuis la chute de l’URSS, en 1991, et la déclaration d’indépendance, la Moldavie n’a cessé de se diviser. La rive droite du Dniestr, ce qu’on appelle la Transnistrie, prorusse – ou plutôt pro soviétique – a fait sécession après quelques affrontements armés qui ont conduit à une interposition de troupes russes. La Gagaouzie, au sud, à la frontière avec l’Ukraine, a un statut d’autonomie et est, elle, franchement russophile et, malgré sa langue turcique, tout à fait russophone.
Le cœur de la république et sa capitale Chisinau (Kichinev au temps de l’URSS) est lui-même tiraillé entre plusieurs influences à l’origine d’une succession de crises politiques. Le vote de dimanche en annonce une nouvelle.
Élue, en 2020, présidente avec 57,72 % des voix, Maia Sandu, du Parti action et solidarité (PAS), libéral et proeuropéen, a eu l’idée, cette année, de lier l’élection présidentielle à un référendum sur un amendement constitutionnel en vue de l’adhésion de la Moldavie à l’UE. Son entourage était sceptique, d’autant que ce n’était pas nécessaire pour entreprendre la démarche, mais les sondages étaient prometteurs, Ah ! les sondages ! Et puis, après tout, il n’est pas très difficile de museler l’opposition ou de la discréditer en l’accusant d’être la cinquième colonne de Poutine, ou simplement de corruption.
Tout était donc prêt dimanche soir pour fêter deux victoires en une : la réélection de Maia Sandu et la marche glorieuse vers l’UE. On a vite enlevé des tables les bouteilles de champagnes. Par trois fois le point de presse de la présidente a été repoussé. Rien n’avait marché comme on se l’imaginait.
Avec 42,45 % des voix, Sandu n’a pas réussi à s’imposer au premier tour. Elle devra affronter, le 3 novembre, Alexandru Stoianoglo, candidat du Parti des socialistes de la république de Moldavie (PSRM), qui a terminé avec 25,98 %. Dix autres candidats rivalisaient au premier tour. Tous ou presque sont contre l’adhésion à l’UE.
Pour Sandu, rien n’est joué, d’autant plus et c’est peut-être le principal, qu’elle a lié son élection à la campagne pour l’UE et que le référendum a été un fiasco complet : 50,49% pour 49,57%, un écart de moins de 2000 voix. Dans 24 régions de Moldavie, la majorité des électeurs ont voté contre. Le nombre de partisans de l’intégration européenne n’a dépassé le nombre d’opposants que dans sept régions et à Chisinau. La très courte victoire du « oui » n’a été obtenue que grâce au vote de la diaspora à l’étranger, encore que sa partie la plus importante, celle qui se trouve en Russie, de 300 à 500 mille personnes, n’a eu le droit qu’à deux bureaux de vote, à Moscou, avec 10 000 bulletins à dispositions.
Mais, ça ne fait rien, comme n’importe quel vulgaire Macron, Sandu a annoncé que « les pourcentages n’ont pas d’importance » et que la marche vers l’intégration européenne se poursuivrait. Elle en a profité, puisque c’est dorénavant la mode, pour expliquer ses deux mauvais résultats par le désormais célèbre « célérusses ».