De quoi s’agit-il exactement ? La généalogie remonte au hold-up démocratique consécutif au 7 juillet qui a charrié son lot de frustrations et de rancœurs légitimes. La gauche est sortie première des urnes et c’est un gouvernement de droite très dure, très antisociale, aux propositions poujadistes et thatchériennes, plus provocantes les unes que les autres, qui a surgi.
Les annonces sur la hausse de la taxe sur l’électricité, sur le report de l’indexation des retraites en juillet, sur les 3 jours de carence pour les fonctionnaires, sur la suppression de 4 200 postes de profs sont les premiers éléments de la colère qui est en train de monter. Cette arrogance d’un pouvoir politique illégitime à casser encore les droits du salariat est la marque au fer rouge du gouvernement Barnier. Sa faiblesse politique, incarnée par l’absence de toute majorité, même relative, comme l’ont montré les esquives ou les reniements multiples du débat sur le budget, le fragilise d’ailleurs sur sa capacité éventuelle à affronter une riposte salariale.
La succession des plans sociaux dans le secteur de la grande distribution ou de l’industrie est une deuxième étape dans la montée des tensions. Elle ne fait que commencer d’ailleurs et les PSE atteignent déjà des chiffres très préoccupants. Plus de 1250 chez Michelin à ce jour, plus de 2480 chez Auchan, 3000 chez Casino et la liste ne va cesser de s’allonger comme tous les analystes le prévoient. Mi-octobre, la CGT recensait 180 PSE en France impactant 90 000 emplois. Force est de constater qu’on va aller bien au-delà de cet état des lieux déjà très sombre. Depuis plusieurs années, les macronistes s’accrochaient sur leurs chiffres présentant une baisse du chômage pour se targuer de leur bilan social, alors même que l’austérité des salaires et leurs attaques contre le droit du travail ou la Sécurité sociale étaient toxiques. Désormais, la réalité de l’emploi en France est, elle aussi, en voie de dégradation accélérée.
Dès lors que faire ? Bien entendu, la riposte se met en place avec l’annonce de journées de mobilisation dans la fonction publique, à la SNCF contre le démantèlement du fret SNCF, avec notamment des grèves autour des 11 et 12 décembre. Sans oublier la colère des agriculteurs, à nouveau en mouvement à partir du 18 novembre, alors que pointent les négociations de libre échange autour du Mercosur avec l’Amérique latine. Mais encore faut-il tâcher de coordonner et de construire un plan de luttes interprofessionnel, tant la précarité et les difficultés à finir le mois deviennent l’affaire du plus grand nombre. On a bien vu la vacuité des stratégies uniquement axées sur le jeu politique et institutionnel pour le projet d’abrogation de la réforme des retraites. Seul un rapport de forces sociales et syndicales peut ouvrir des perspectives. Il y a urgence. L’alignement des planètes semble complet pour donner au patronat silencieux et au gouvernement qui s’agite la monnaie de leur pièce.
Si les syndicats échouent à incarner les attentes sociales, alors, la nature ayant horreur du vide, un mouvement spontané de type Gilets Jaunes aura éventuellement des chances d’émerger, faute de mieux. Aux organisations de salariés de prolonger le ressenti de leur utilité auprès des travailleurs comme au printemps 2023 avec la lutte sur les retraites.