« Dans une scène qui suscite stupéfaction et indignation, la tragédie du peuple palestinien dans la bande de Gaza se transforme en un spectacle direct, observé depuis des plateformes érigées à cet effet du côté israélien de la frontière. Ces plateformes, installées sur des collines surplombant Gaza, sont devenues une destination fréquentée par de nombreux Israéliens – civils, étudiants, voire des visiteurs étrangers – venus assister aux bombardements et à la destruction de Gaza, comme s’il s’agissait d’un "spectacle en direct" consommé visuellement, sans égard pour les victimes ni pour la souffrance derrière les images.
Alors que les Palestiniens vivent sous un déluge de frappes aériennes et de tirs d’artillerie, de l’autre côté de la frontière, des personnes observent la scène tout en sirotant leurs boissons, dans une indifférence choquante. Ces visiteurs ne viennent ni par empathie ni par souci des droits humains, mais par simple curiosité ou divertissement, soulevant ainsi de graves questions éthiques sur la conscience collective de la société israélienne à l’égard des Palestiniens ».
Ces lignes m’en ont rappelé d’autres. Celles de l’écrivain juif polonais Adolf Rudnicki, décrivant comment, en avril 1943, des Varsoviens venaient voir bruler les Juifs dans le Ghetto en rébellion.
« Les Fenêtres d’or » (Folio – Gallimard), nouvelle intitulée : « La Pâque ».
Extrait :
« En ce mémorable printemps de 1943, les Pâques chrétiennes tombaient à la fin avril. Le journal « Die Woche » fournissait d’étranges comparaisons d’où il ressortait que c’étaient là les Pâques les plus tardives du XXe siècle. Pendant toute la Semaine sainte, se poursuivirent les processions incessantes en direction du mur. Elles ne cessèrent pas davantage pendant les fêtes. À peine les mots : « Allez en paix, la messe est achevée, alléluia, alléluia » avaient retenti que la foule sortant des églises combles, l’âme encore brûlante, bruissante de printemps, des fleurs fraîches à la main, accourait vers le mur, au spectacle. À la représentation pascale varsovienne.
C’était un spectacle peu banal. Les habitants des maisons mitoyennes voyaient comment - là-bas, derrière le mur - des gens à demi fous bondissaient hors des caves et comme des lézards rampaient d’étage en étage, plus haut, plus haut encore. L’incendie se coulait derrière eux, les balles les poursuivaient et eux, sans recours, sans espoir, cherchaient un recoin à l’épreuve des flammes, invisible pour l’œil du gendarme. Lorsque le feu commençait à leur lécher les jambes, le mari confiait l’enfant à sa femme, tous trois se donnaient un dernier baiser, puis ils sautaient ; la femme d’abord avec le petit, l’homme ensuite ».