Pendant les trois semaines de campagne express, le camp d’en face a multiplié les anathèmes et les récriminations, mais aussi les injonctions contre la gauche unie en épargnant largement les troupes lepénistes. Le Nouveau Font populaire était qualifié de tous les maux et les vices, afin de le disqualifier. Tous les chiens de garde et les gardiens du temple capitaliste vociféraient contre le Chaos et l’Apocalypse qui surviendraient à coup sûr si cette cohorte infernale venait au pouvoir.
Étant donné que cette propagande grossière a échoué avec la victoire du NFP qui est sorti en tête des urnes, nos ennemis de classe ont enclenché la deuxième lame de leur stratégie politique. Ils mettent, notamment via les médias, les responsables politiques de gauche sous pression, pour qu’ils s’allient avec la Macronie en jouant sur les divisions entre les divers partis. Pour dire simplement, n’ayant pu obtenir la défaite de la gauche unie, ils misent sur son discrédit.
Car disons-le franchement, alors même que la colère sociale explose après sept ans de macronisme où la morgue du président et de ses sbires s’est affichée en même temps qu’une régression sociale inédite, alors même qu’un acharnement contre le système de retraite et celui de l’assurance chômage s’est mis en place tout comme une détérioration sans égale de nos services publics, mettre une seule phalange dans l’engrenage d’une alliance avec les macronistes, même de la prétendue aile gauche qui avalait mille couleuvres, porte en elle le sceau de la trahison et la marque de l’infamie. Il ne s’agit pas là d’incantation gauchiste, mais d’une analyse politique froide. Les travailleuses et les travailleurs nous ont donné une dernière chance après les reniements du piteux mandat de Hollande. Or, s’allier avec ceux qui ont été les plus zélés larbins du patronat depuis 1945 n’est même pas envisageable. Et nulle realpolitik ne le justifierait, alors que le RN prospère sur l’arnaque sociale.
Les 193 députés de gauche sortis du dernier scrutin sont la preuve qu’il y a un désir de progrès social et de conquête progressiste, une envie d’une meilleure distribution de richesse, de vivre mieux. Et ce n’est pas dans les petites « combinazione » des appareils politiques que se trouve la solution. Certes, nous avons besoin de relais politiques et institutionnels et nous ne sommes ni les épigones de Kropotkine ni ceux de Proudhon. Le sénateur Gracchus du film Gladiator affirme que « le cœur véritable du Rome ne se trouve pas dans le marbre du Sénat mais dans le sable du Colisée ». De même, le cœur battant de l’électorat de gauche ne se trouve pas dans les arcanes du Palais Bourbon, au demeurant respectables et précieuses, mais dans le bitume des manifestations et des piquets de grève.
Puisque cette alliance victorieuse sous forme de sursaut antifasciste comme en 1934-1936 se réfère à un glorieux passé, autant ne pas rester au milieu du gué et pousser jusqu’au bout l’inspiration. Lors du Front Populaire, la victoire électorale vient en premier et le mouvement de grève générale survient après, comme soutien indispensable face au risque de riposte bourgeoise. Et l’alliance électorale dominée par les réformistes n’aurait pas pu faire grand-chose seule. Il y a donc un besoin urgent, en 2024, de préparer durant l’été un vaste mouvement organisé de grève dans les entreprises et les services publics, de façon à ce qu’à la rentrée, un rapport de force sociale puisse servir de levier au NFP.
Voilà qui serait bien plus fructueux que la course des petits chevaux pour savoir qui sera le prochain ou la prochaine locataire de Matignon.