Alors que les cotisations sociales sont présentées comme un « frein à la compétitivité », le gouvernement évite soigneusement de poser la question du partage des richesses. Les grandes entreprises, qui ont vu leurs profits exploser depuis la crise sanitaire, ne sont pas mises à contribution. Pas plus que les ultra-riches, dont les patrimoines atteignent des niveaux records.
Le piège de la « super CSG » et l’arnaque de l’Europe sociale
La CGT dénonce une « logique d’austérité déguisée », où l’on demande toujours plus aux salariés, sans jamais toucher aux dividendes ni aux niches fiscales. Le Medef, lui, réclame une baisse des « charges sociales » (cotisations sociales) et plus de flexibilité, tout en refusant toute hausse de la fiscalité sur le capital.
En réalité, le capital est épargné de toute contribution significative. Ni les revenus financiers, ni les plus-values, ni les dividendes massifs versés aux actionnaires ne sont sérieusement mis à contribution pour financer la solidarité nationale. Cette impunité fiscale est le grand tabou de la conférence.
Parmi les pistes évoquées, l’idée d’une « super CSG » revient avec insistance. Présentée comme une solution moderne et solidaire, cette contribution élargie à tous les revenus – y compris ceux du capital – est censée diversifier les ressources de la Sécu. Mais dans les faits, la CSG reste un impôt proportionnel, sans progressivité réelle, qui pèse davantage sur les classes moyennes et populaires que sur les plus riches.
Ce glissement du financement de la Sécu des cotisations vers l’impôt n’est pas neutre : il affaiblit le lien entre travail et droits sociaux, et ouvre la voie à une logique d’assistanat, plutôt que de solidarité. Derrière cette démarche, c’est la dépolitisation du financement social qui est en jeu : plus de pouvoir pour l’État, moins pour les organisations sociales.
Et pendant que l’on parle de « super CSG », certains invoquent sournoisement encore l’« Europe sociale » comme horizon de modernisation. Mais cette Europe sociale est une promesse creuse, répétée depuis plus de quarante ans sans jamais se concrétiser. Depuis Maastricht, Lisbonne, les textes fondateurs de l’Union ont toujours donné la priorité à la concurrence libre et non faussée, à l’austérité budgétaire, et à la dérégulation du travail.
Les appels à une harmonisation sociale par le haut n’ont jamais abouti. Pas de salaire minimum européen contraignant, pas de fiscalité commune sur les multinationales, pas de protection sociale mutualisée. L’Europe sociale, c’est l’alibi commode pour faire patienter les peuples pendant que les marchés, eux, avancent.
Face à cette impasse, la question sociale ne pourra être résolue sans une relance ambitieuse de la création de richesse réelle. Cela passe par une réindustrialisation des territoires, la relocalisation des productions stratégiques, des investissements massifs dans la transition écologique, et surtout la création d’emplois stables, qualifiés et bien rémunérés.
C’est par le travail, l’emploi, la production et la justice fiscale que la Sécurité sociale pourra retrouver un avenir. Pas par l’austérité, ni par des réformes technocratiques déconnectées des réalités sociales, ni par des illusions européennes qui masquent mal l’absence de volonté politique.