Ainsi, il suffirait de freiner ces importations pour régler – tel un coup de baguette magique – les retards pris en matière de savoir-faire, la dégradation de nos infrastructures, le détricotage de notre écosystème industriel, etc.
Au micro d’Apolline de Malherbe, il s’est illustré dans un exercice de mauvaise foi malheureuse. Objectif : démontrer – qu’importe la réalité – qu’il a raison depuis « six mois ». Il en veut pour preuve l’arrêt temporaire de la production sur le site Stellantis de Poissy. Laissant entendre qu’il fut bien seul « à tirer la sonnette d’alarme », il ajoute : « On a les États-Unis qui ferment leur frontière aux produits chinois. Eh bien, la Chine va déverser ses produits sur l’Union européenne ». Preuve ultime pour lui, « en 1 an, c’est +10 % d’importations chinoises ». La ficelle est grosse. Il parle en fait des importations globales.
Car les importations de l’UE depuis la Chine ont effectivement progressé d’environ 10 % sur la période, mais en valeur. Une progression qui contraste avec la légère baisse de 0,5 % observée entre 2023 et 2024. Problème : l’élu picard parle des importations globales. Pour faire le raccourci avec notre usine de Poissy, il mélange donc les importations de vêtements et de jouets avec le reste. Dont acte.
Pour ce qui est des véhicules, nous sommes passés, entre septembre 2024 et août 2025, d’importations égales à 1,05 milliard d’euros à 1,35 milliard d’euros. Il y a progression là aussi, c’est vrai. Creusons. Des marques comme BYD connaissent des croissances significatives – notamment parce qu’elles « partent de zéro ». Mais là n’est pas le plus intéressant.
Prenons l’exemple très concret des batteries où, effectivement, il y a une progression importante des importations chinoises. Des projets européens avaient pourtant vu le jour pour en produire. La question est alors très simple : pourquoi importons-nous des produits que nous voulons fabriquer chez nous ? Pour des raisons matérielles et industrielles, que les barrières douanières ne règleront jamais (encore moins à elles seules).
Stellantis, dont parle Monsieur Ruffin, a inauguré en 2023 sa première gigafactory à Douvrin. Un projet d’envergure, né d’une coentreprise avec Total et Mercedes. Lors de son ouverture en mai 2023, l’objectif affiché était de produire de quoi équiper 200 000 à 300 000 véhicules par an. En 2025, la production sera probablement sous la barre des 50 000 véhicules.
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Le problème est précisément là. Nous n’arrivons pas à industrialiser à grande échelle la production de batteries. Et les raisons sont nombreuses, profondes et connues. Que Monsieur Ruffin se renseigne par lui-même.
Alors, est-ce une preuve de pessimisme ou un acte de trahison que d’importer, pour l’heure, des produits que nous n’arrivons pas à produire chez nous ? Certainement pas. Le véritable problème, c’est la position du député de la Somme : entrer dans une logique d’affrontement contre la Chine, là où il est urgent de coopérer pour apprendre à produire.
Alors on nous dira : « Vous êtes pessimistes, la France regorge de potentiel et reste forte de ses travailleurs ». Plutôt deux fois qu’une ! La France est forte de son potentiel et de ses travailleurs, c’est indéniable. C’est justement pour cela qu’il faut, d’urgence, planifier notre avenir ; construire des EPR, des ponts, des routes ; former des jeunes et engager des coopérations.
Et si cet exemple ne tient que sur la filière automobile, un même développement pourrait être fait pour chaque secteur en difficulté.
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D’ailleurs, pour ce qui est de la sidérurgie, Monsieur Ruffin les a enfin obtenues, ses taxes aux frontières. Le 7 octobre, le Parlement européen doit acter une clause de sauvegarde sur l’acier étranger, notamment chinois. Au programme, des quotas divisés par deux et des droits de douane largement relevés.
L’avenir nous dira si cela sauvera – sans même parler de développer – nos cinq haut-fourneaux encore en activité. Le « bénéfice du doute », dit-on.
Derrière l’homme aux grandes idées creuses se cache une vieille recette sociale-démocrate, un néolibéralisme d’État enrobé d’ouvriérisme mal placé.
Ce n’est décidément pas défendre les travailleurs que de leur vendre des illusions, c’est les prendre pour des cons.