Mourad vit en France depuis plus d’un quart de siècles. Aujourd’hui, il est retraité. Il a toujours travaillé et n’a pas une seule fois de sa vie bénéficié des allocations sociales. Il a eu cinq enfants. Certains y ont grandi, d’autres y sont nés.
L’école publique leur a été bénéfique. Les plus grands ont fait de brillantes études universitaires. Les plus jeunes y sont encore et aucun souci pour qu’ils ne suivent pas la route que leurs aînés leur ont balisée. Pour cela, Mourad est ravi. Heureux pour sa famille, pour ses enfants. Impliqué dans la vie sociale, militant dans le mouvement associatif, il suit de près les évolutions et les reculades dans la vie de sa cité et surtout dans son quartier.
Une autre de ses satisfactions, la réussite des jeunes qu’il a vu grandir, qu’il a remarqué dès leur jeune âge. Parmi eux, Karim qui est aujourd’hui ingénieur mécanicien employé dans une grande entreprise dans le Valenciennois. Le cas de Karim n’est pas unique. Les jeunes sont très nombreux à avoir arraché des places dorées dans la société.
Mais le décrochage de certains jeunes, leur marginalisation et, disons-le, la « tombée » de certains dans le trafic de drogue, le manque de respect, les incivilités et autres fléaux sociaux lui font peur. Plus peur encore la réaction de certains partis politiques, à leur tête le RN et ses affidés, à ces maux qui font d’un mal social un créneau pour dénigrer une frange de la société, celle de l’immigration ou issue de l’immigration. Leur discours politique est vide.
Tellement vide qu’ils n’arrivent pas à avoir le recul nécessaire pour traiter politiquement une question sociétale. Un raccourci est vite fait : le mal de la France provient de son immigration, chassons cette immigration et la France n’aura plus de soucis. La haine de l’autre, la discrimination et le racisme sont là.
Depuis quelque temps, Mourad est perplexe. La tournure politique prise par le pays, d’abord par la dissolution de l’Assemblée nationale, ensuite par le premier tour des élections législatives l’a inquiété au plus haut point. « Le Rassemblement national, parti xénophobe de nature, un parti sans programme et sans vision claire de gouvernance qui arrive à la marge de l’exercice du pouvoir, est énigmatique quand on connaît l’histoire de la France et sa culture. Elle est le signe d’une société qui n’arrive plus à hiérarchiser ses priorités » s’inquiète-t-il.
Les résultats du deuxième tour l’ont un tout petit peu tranquillisé. Sans euphorie. « J’espérais une majorité absolue des forces de gauche. Ça n’a pas été le cas et le RN en troisième position est problématique ».
Tout en restant attentif aux évolutions, Mourad ne se leurre pas. L’attitude du monde politique, la montée du discours xénophobe, sa généralisation, sa banalisation ne sont pas nouvelles, mais elles sont devenues plus nettes, plus libérées et surtout plus claires. Il faut les combattre. Pour ce faire, chacun, chaque parti doit prendre ses responsabilités. Les médias tout autant que les hommes politiques qui se revendiquent de gauche.
Les associations humanistes et les gens du progrès ne doivent plus se taire, n’accepter aucun écart et dénoncer avec vigueur tout acte xénophobe ou raciste, quel que soit son genre. Pour ne pas avoir à revivre ce que les anciens ont vécu un certain temps. Chasser le juif, le gitan, le tzigane. Ce n’est très loin tout ça.