Pour des générations de progressistes, d’antifascistes et d’anticolonialistes, l’Organisation des Nations unies était l’expression d’un nouvel espoir mondial. En ce moment de bilan, alors que l’ONU peine à répondre aux conflits actuels, il convient de mesurer le fossé entre ses principes fondateurs et sa réalité contemporaine.
San Francisco 1945, les bases d’un ordre mondial alternatif
Quand les délégués de 50 pays se réunissent à San Francisco au printemps 1945, l’ombre des dizaines de millions de morts de la Seconde Guerre mondiale plane sur les débats, le conflit perdure en Asie-Pacifique. Il s’agit de ne pas répéter les erreurs de l’entre-deux-guerres, l’échec de la Société des Nations (SDN). La Charte adoptée le 26 juin fonde l’ONU sur des principes clairs : souveraineté des États, règlement pacifique des différends, développement économique et social, respect des droits fondamentaux.
Elle prévoit une Assemblée générale où chaque État dispose d’une voix, un Conseil de sécurité censé prévenir les conflits, un Conseil économique et social, et une Cour internationale de justice. À l’origine, l’ONU apparaît comme une tentative de bâtir un contrepoids à la loi du plus fort.
Dès les premières décennies, la logique du blocage s’installe. Le droit de veto accordé aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, URSS, Chine, France, Royaume-Uni) permet à ces puissances de paralyser l’ONU chaque fois que leurs intérêts sont en jeu. Un « deux poids, deux mesures » qui ne cesse de trahir la vocation initiale de l’ONU. Les États-Unis ont fait un usage massif de leur veto, bloquant toute résolution sur Israël ou sur Cuba, intervenant unilatéralement en dehors du droit international comme en Irak en 2004 ou en ce moment même en bombardant l’Iran (sans concertation diplomatique et au mépris de la souveraineté du pays).
En effet, depuis 1991, l’OTAN et les coalitions dictent désormais les interventions militaires, tandis que les politiques néolibérales de la Banque mondiale démantèlent les acquis sociaux. Face aux crises climatiques, aux conflits armés, à la dépossession des peuples du Sud, le rôle de l’ONU est singulièrement affaibli.
Et demain ? Réactiver l’internationalisme populaire
L’ONU continue pourtant historiquement de porter la voix des peuples par les tribunes qu’elle offre aux mouvements progressistes. On se souvient de ses résolutions condamnant l’apartheid et le colonialisme. Les discours devant l’Assemblée générale de Nelson Mandela, de Yasser Arafat ou de Thomas Sankara ont marqué son histoire. Aujourd’hui, des luttes se poursuivent dans ses enceintes : défense de la Palestine, revendications des peuples dominés ou mobilisation pour la souveraineté alimentaire.
Pour autant, San Francisco ne doit pas rester un symbole muséifié, mais redevenir un vrai point de départ : celui pour une autre mondialisation. Impérialisme américain hyper militarisé ou monde multipolaire fondé sur les coopérations : il y a urgence pour l’ONU à changer de logique.