Qui n’a pas entendu les termes de "grand remplacement" au sujet de l’immigration ou de génocide pour l’IVG ? Force est de constater que les analyses du sujet démographique qui nous arrivent par les médias grand public sont généralement issus de la démagogie de l’extrême droite et des dogmes de la réaction.
L’ouvrage de Piermaria Davoli rompt avec cette constatation puisqu’il s’agit là d’une analyse marxiste produite par le groupe italien « Lotta comunista ».
L’auteur utilise les méthodes du socialisme scientifique en décortiquant des données, des cartes, des tableaux, graphiques, très sérieux, qui lui permettent de déboucher sur le constat que l’humanité est entrée dans un hiver démographique. Le pic de population serait atteint au niveau mondial vers 2070 avec 9,7 milliards d’habitants ; ensuite, un déclin absolu commencerait au niveau planétaire. Pas un continent n’échapperait à cette tendance, pas même l’Afrique qui après un boom démographique se dirigerait dans la même pente.
La France faisait figure d’exception grâce à la combinaison d’une politique nataliste efficace et d’une immigration importante. Mais son solde naturel, quoiqu’encore positif, baisse de manière régulière. C’est la conséquence des politiques de restriction de l’immigration, mais surtout de la casse des dispositifs des politiques familiales en 2014 et 2015 par le gouvernement présidé par François Hollande. Le nombre d’enfants par femme est en dessous du seuil de renouvellement des générations depuis des décennies, le nombre de femmes en âge de procréer a baissé et le « vide » de population se mesure actuellement en centaines de milliers d’individus qui manqueront dans les tranches d’âge actif.
Le MEDEF parle de suicide démographique et estime que d’ici 2050, l’Europe perdra 50 millions de personnes en âge de travailler et « il faudra des bras et des cerveaux pour compenser ces pertes d’actifs ».
Les sources rassemblées dans l’ouvrage sont éloquentes et semblent irréfutables.
Davoli constate que « la société capitaliste n’est même plus en mesure de remplir la tâche primordiale de la reproduction de l’espèce humaine ». « Le capital, dans son impulsion aveugle à sa propre propagation, s’est de plus en plus emparé des femmes en tant que force de travail, mais, ce faisant, il ne s’est pas soucié de les protéger en tant que force reproductrice de l’espèce ».
La pénurie de main-d’œuvre pousse ainsi les états impérialistes au service de leur capital à se mettre en concurrence pour obtenir les immigrés. Lénine, déjà, constatait que « les capitalistes exploitent de la façon la plus éhontée les ouvriers émigrés. Mais seuls les réactionnaires peuvent se boucher les yeux devant la signification progressive de cette moderne migration des peuples ».
Dans l’hiver démographique provoqué par le système économique capitaliste mondialisé, l’apport de main-d’œuvre immigrée dans les vieilles puissances impérialistes ne suffira pas tant l’économie sera désorganisée.
Il faut donc l’avènement d’une société supérieure, une société communiste.
L’ouvrage ne donne pas la méthode pour atteindre le communisme, mais il explique que la nouvelle société devra mettre en place une « politique de la vie ». Car l’analyse scientifique aboutit à une véritable « loi de la population de la maturité impérialiste » qui démontre l’extinction progressive de l’humanité.
Lotta comunista qui a lutté et continue de lutter pour l’émancipation des femmes du patriarcat par l’acquisition de droits individuels, civiques et sociaux (IVG etc.) déplore que « la politique de la vie » ait été laissée à l’Église et aux forces réactionnaires. Or l’Église mène des campagnes natalistes qui ne pourraient être mises en œuvre que par des régimes autoritaires.
Et Davoli de conclure que « le marxisme, en rejetant toute solution superficielle, dans un sens comme dans l’autre (natalisme ultra ou immigration unique ndlr), nous montre que seul le communisme est la "civilisation de la vie" parce qu’il résout la nécessité dans la liberté. »
Un beau programme qui mérite d’être étudié !
« Démographie et migrations dans le changement d’époque »,
Piermaria Davoli
20 euros