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Coup de gueule

À propos de Poutine, du savoir et de la connaissance

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Mise à jour le 29 novembre 2024
Temps de lecture : 6 minutes

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Russie BRICS

Il y a quelque temps, un éditorial de l’Humanité dénonçait « une nouvelle internationale fasciste », regroupant « Orban, Netanyahou, Poutine, Milei et autres Le Pen ». Je me suis demandé ce que Poutine venait faire dans cet aréopage.

Par Bernard Frédérick, journaliste honoraire à l’Humanité, correspondant à Moscou de 1986 à 1991.

Le président russe qui, cette année, préside les BRICS ou désormais BRICS+, qui a accueilli, en octobre à Kazan, les représentants de 36 pays, de 6 organisations internationales, dont le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, serait donc un « fasciste ». Et, quid de Xi Jinping, le président communiste de la Chine populaire, dont on sait les liens avec Vladimir Poutine ?

La russophobie est, aujourd’hui, partie intégrante de l’idéologie dominante dont on sait qu’elle est « toujours l’idéologie de la classe dominante ». Or la russophobie est un racisme. Un racisme comme un autre. De quoi se nourrit le racisme ? De la misère, de l’exploitation, qu’il camoufle, et de l’ignorance.

« La culture a une fonction critique, écrivait Paul Nizan. Le savoir a une valeur critique. Culture et savoir diminuent en tout homme qui les possède la possibilité d’être dupe des mots, d’être crédule aux mensonges. Cette lutte et le savoir augmentent en tout homme le pouvoir de comprendre la réalité où il vit. La réalité que le monde bourgeois offre aux hommes est celle de la misère, de l’écrasement, du chômage, d’un avenir chargé d’angoisse économique et morale, et de menaces de guerre. La conscience de cette réalité a une valeur explosive : elle ne peut qu’entraîner à la volonté de la transformer. Nous sommes à un moment de l’histoire où la culture, le savoir ont plus que jamais une signification directement révolutionnaire ». [1]

C’est à la formation de cette conscience que le quotidien communiste a travaillé tout au long de son histoire. Et, tout au long de son histoire, l’Humanité a mobilisé tout son savoir, ses meilleures plumes, pour éclairer la réalité, complexe, de l’Union soviétique. C’était un TRAVAIL politique et culturel. C’était un TRAVAIL pour la paix.

Aujourd’hui, alors que d’un côté, l’Occident impérialiste, isolé, cherche une échappatoire à la crise qui le ronge, dans la guerre – ce qui est sa nature – d’un autre côté un monde nouveau se met, doucement mais sûrement, en place, dont les BRICS+ sont comme l’annonce.

Cette nouvelle réalité a besoin d’être éclairée si l’on veut en faire une conscience révolutionnaire. Une conscience pour la paix. Et là, il y a urgence. En permettant à l’Ukraine de frapper la Russie « en profondeur » avec des armes que seuls les occidentaux sont capables de manier, les États-Unis, mais aussi la Grande-Bretagne et la France rapprochent le monde d’une catastrophe totale.

Laissons aux racistes de tous poils la russophobie imbécile. Revenons à la culture et au savoir. Travaillons ! Retrouvons notre matérialisme historique. Ayons le courage d’aller à contre-courant de l’idéologie mortifère qui nous gouverne. Il faut apprendre. Il faut lire. Il faut « une analyse concrète des situations concrètes ».

Il faut lire par exemple les discours du président Poutine au sommet des BRICS+ et à la réunion du Club de discussion de Valdaï, le 7 novembre dernier qui commençait ainsi : « Nous nous réunissons le 7 novembre, une date importante pour notre pays et, pourrait-on dire, pour le monde entier. La révolution russe de 1917, comme à leur temps les révolutions hollandaise, anglaise et française, a été dans une certaine mesure un jalon dans l’évolution de l’humanité et a déterminé à bien des égards le cours de l’Histoire, la nature de la politique, de la diplomatie, de l’économie et de l’organisation sociale ».

Le rappel de l’importance internationale de la révolution d’Octobre, c’est du fascisme ? Il faut lire, analyser les propos de Vladimir Poutine. Il faut aller mesurer, en Russie même, la prégnance de l’histoire soviétique, non pas la nostalgie, mais bien la prégnance de l’histoire.

Le travail du journaliste n’est pas si éloigné de celui de l’historien. Il demande culture et savoir pour engendrer culture et savoir. Devant l’historien comme devant le journaliste, il y a des faits et une façon de les appréhender, de les lire, de les restituer. Ce n’est ni un rôle d’avocat ni celui d’un procureur.

« Robespierristes, antirobespierristes, écrivait le grand historien Marc Bloch, avant d’être assassiné par les nazis, nous vous crions grâce : par pitié dites-nous simplement, quel fut Robespierre  ». [2]

Alors, s’il vous plait !

Notes :

[1Paul Nizan, Pour une nouvelle culture, « l’ennemi public n°1 », Éditions Bernard Grasset, Paris 1971.

[2Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Éditions Culturea, Montpellier 2023.

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