Chaque année, la dengue touche plus de 400 millions de personnes dans le monde, dont plusieurs millions en Amérique latine. Le Brésil concentre à lui seul près de la moitié des cas enregistrés sur le continent. Face à l’échec des insecticides classiques et à la résistance croissante des moustiques, les chercheurs de Campinas ont choisi une voie radicalement différente : transformer le moustique vecteur en allié.
Dans des laboratoires ultra-contrôlés, des colonies d’Aedes aegypti sont infectées par une bactérie nommée Wolbachia pipientis. Cette dernière, naturellement présente chez d’autres insectes, empêche le virus de la dengue de se développer dans le corps du moustique. Autrement dit, le moustique devient porteur du virus sans pouvoir le transmettre à l’humain.
Une stratégie durable et non chimique
Le principe repose sur un phénomène de transmission héréditaire : lorsqu’un moustique mâle porteur de Wolbachia s’accouple avec une femelle sauvage, les œufs ne se développent pas. En revanche, si la femelle est elle-même infectée, la descendance hérite de la bactérie. En quelques générations, la population locale de moustiques devient majoritairement résistante à la dengue.
Des essais réalisés en Indonésie, en Colombie et au Vietnam ont déjà montré une réduction de 70 à 90 % des cas de dengue dans les zones concernées. L’expérience brésilienne de Campinas, soutenue par la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) et le World Mosquito Program, attend maintenant le feu vert du gouvernement pour passer à la production de masse et à un lâcher à grande échelle dans les quartiers urbains.
Un espoir contre d’autres virus tropicaux
Outre la dengue, la bactérie Wolbachia réduit également la transmission du Zika et du chikungunya, deux maladies qui frappent régulièrement les régions tropicales. Selon l’OMS, cette technique « écologiquement sûre et socialement acceptable » pourrait devenir un pilier des politiques de prévention dans les dix prochaines années.
Les chercheurs insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un moustique génétiquement modifié, mais d’une symbiose biologique naturelle, sans danger pour les humains ni pour les écosystèmes.
La bactérie Wolbachia en chiffres
- Découvert en 1924 chez le moustique Culex pipiens
- Présence naturelle chez plus de 60 % des espèces d’insectes
- Bloque la réplication des virus (dengue, Zika, chikungunya)
- Jusqu’à 90 % des infections humaines dans certaines zones pilotes
- Aucune utilisation d’insecticide chimique, maintien des équilibres naturels