Dans son discours d’ouverture, Emmanuel Macron a salué une « victoire » diplomatique, brandissant le traité sur la haute mer, dit BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction) qui devrait entrer prochainement en vigueur. Sauf qu’il faut pour cela la ratification par 60 États. Or, depuis l’adoption du texte le 23 juin 2023, 115 États l’ont signé, mais seuls 31 l’avaient ratifié jusqu’à ces dernières semaines. Parmi les derniers en date, le 28 mai dernier, six États membres de L’UE : Chypre, Finlande, Hongrie, Lettonie, Portugal et Slovénie. Avec l’UE, ils ont officiellement déposé leurs instruments de ratification du Traité BBNJ aux Nations Unies.
À l’occasion de la Conférence des Nations unies, un dispositif a été mis en place à Nice afin de permettre des ratifications express. À l’heure où nous écrivons, on en serait autour de 50 ratifications. Cela avance, mais le compte n’y est toujours pas.
Ce texte, adopté en 2023 après vingt ans de négociations, est présenté comme un tournant historique pour la protection d’un espace qui couvre près de la moitié de la planète. Son objectif est en effet la création de zones marines protégées à grande échelle en haute mer, c’est-à-dire les zones situées hors des espaces maritimes contrôlés par les États et qui contiennent des puits de carbone, ainsi que des réservoirs biologiques. Mais au-delà des discours, les promesses peinent à se concrétiser.
Un cadre sans contrainte
La haute mer désigne les zones maritimes situées au-delà de 200 milles nautiques (370 Km) des côtes. En théorie, elles sont régies par le principe de « liberté des mers » , comprenez ici que la pêche, la navigation, la recherche scientifique ou encore la pose de câbles sous-marins peuvent s’y exercer sans régulation stricte. En pratique, cette liberté se traduit par une exploitation effrénée sans réelle régulation. Ce flou permet la surpêche et la pollution plastique participe au réchauffement accéléré des eaux. À cela s’ajoute désormais la perspective d’une exploitation minière des fonds marins par les grandes puissances industrielles. Pendant que les discours se multiplient, les chiffres font froid dans le dos : 66 % des poissons prédateurs ont disparu, les vagues de chaleur marine explosent, les microplastiques sont omniprésents, et l’exploitation minière des abysses est déjà en cours, notamment par les États-Unis.
Le traité BBNJ prévoit la création d’aires marines protégées, des évaluations d’impact environnemental pour les activités à risque, et la mise en place d’une gouvernance internationale via des conférences régulières. En théorie, il vise à freiner la course à l’exploitation. Mais ce texte reste non contraignant, autrement dit, chaque État reste libre de l’appliquer à sa guise, sans sanctions ni mécanismes de contrôle.
« Nous sommes à un tournant : soit nous protégeons l’océan maintenant, soit nous laissons s’éteindre un écosystème vital pour l’humanité. Il n’y a pas de demi-mesure », alerte Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France. Elle rappelle que l’UNOC est un moment décisif, à condition qu’il débouche sur des engagements concrets.
Un sommet pour les images, pas pour les décisions
Emmanuel Macron a célébré le rôle moteur de la France dans la promotion du traité. S’il évoque une « victoire diplomatique », celle-ci repose sur une campagne intense de lobbying. C’est aussi pour cela qu’une salle spéciale a même été installée à Nice pour faciliter des ratifications « express ». Mais cette mise en scène ne suffit pas à masquer l’imprécision des engagements.
Car contrairement aux COP climatiques, l’UNOC n’est pas un espace de négociation : aucun accord n’y sera signé. « Ce sommet est une caisse de résonance, pas un lieu de décision », résument les ONG présentes.