Avec plus de 3 000 entreprises et 220 000 emplois hautement qualifiés, la filière nucléaire française est la troisième industrie du pays, derrière l’aéronautique et l’automobile. Alors que le gouvernement prévoit de prolonger les réacteurs actuels et de construire six EPR2 pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, un défi reste peu discuté : la durabilité de la ressource en uranium. Car si le nucléaire promet une production d’électricité bas-carbone, il reste aujourd’hui dépendant d’une ressource limitée.
Un nucléaire durable ?
Les réacteurs actuellement utilisés dits de 3ᵉ génération, consomment en effet moins de 1 % de l’uranium naturel extrait. Le reste, « l’uranium appauvri », est stocké depuis des décennies en attendant une solution. Selon Amar Bellal, cette solution existe : les réacteurs à neutrons rapides (RNR), dits surgénérateurs. Il affirme que « ces réacteurs peuvent multiplier par 100 le rendement de l’uranium, en fissionnant ce qui ne l’est pas aujourd’hui. Et ce qu’on considérait comme un déchet devient un combustible. »
La France possède ainsi suffisamment d’uranium appauvri pour couvrir des milliers d’années de consommation électrique. Aussi, les RNR permettraient de réduire fortement la quantité et la dangerosité des déchets radioactifs à vie longue. Une véritable avancée écologique, mais aussi stratégique pour notre souveraineté énergétique.
Un retard à rattraper
La France n’est pas novice dans ce domaine. Elle a même été pionnière des réacteurs RNR avec les projets Rapsodie, Phénix et surtout Superphénix, le surgénérateur le plus puissant du monde à son époque. Mais en 1997, le gouvernement Jospin ferme Superphénix pour des raisons purement politiques, offrant un scalp aux associations anti-nucléaire. En 2019, c’est le projet ASTRID, prototype industriel de RNR, qui est brutalement abandonné par Emmanuel Macron.
Finalement, ce sont des décennies de savoir-faire dispersées, des équipes dissoutes, et une avance technologique perdue. « On avait dix ans d’avance sur le monde, on a aujourd’hui dix ans de retard sur la Chine, la Russie, voire le Japon », déplore Amar Bellal.
Souveraineté, emploi et planification
Pour le PCF, relancer un projet de RNR est désormais une priorité stratégique. Cela suppose de rassembler à nouveau les compétences du CEA, d’EDF et des industriels, pour mettre en service un prototype d’ici 2040. Le choix d’un réacteur refroidi au sodium (choisi avec pragmatisme car il représente la technologie la plus mûre en France) permet une mise en œuvre plus rapide que d’autres pistes comme le thorium ou la fusion, qui elle, reste de l’ordre de l’expérimentation.
Cette relance s’inscrit dans une vision plus large avec la création d’un véritable service public de l’énergie, à rebours des logiques de marché imposées par l’Union européenne.
À ce titre, les besoins en formation et en emplois sont immenses. 100 000 recrutements sont à prévoir d’ici 2034 pour garantir le succès d’un tel projet. « Il faut reconstruire un récit positif autour de cette filière », insiste Amar Bellal. « Les métiers du nucléaire sont passionnants, bien rémunérés, mais trop peu valorisés, notamment chez les jeunes. »
Un plan climat pour une stratégie industrielle
Le Parti communiste français présentera ce lundi 16 juin la deuxième version de son plan climat, élaborée avec la communauté scientifique et industrielle. Ce document détaillera la feuille de route du PCF pour un mix électrique 100 % public, combinant prolongation du parc actuel, construction de nouveaux EPR et déploiement des RNR à l’horizon 2050.
Il y sera aussi question de formation, de financement, de recherche et de baisse des factures énergétiques pour les ménages. C’est une autre vision de la transition écologique, véritablement populaire, planifiée, et souveraine.