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Énergie

Les ambitions sur l’hydrogène mises à mort par le futur « accord » transatlantique ?

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Mise à jour le 14 août 2025
Temps de lecture : 5 minutes

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Union européenne Énergie Hydrogène

La publication du nouveau cahier des charges de la Banque européenne de l’hydrogène, dotée d’1,1 milliard d’euros, a été saluée comme une étape majeure par les acteurs de la filière. Mais cet enthousiasme pourrait être tempéré à la lumière de « l’accord commercial » récemment annoncé entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président américain Donald Trump.

Pour la première fois, l’hydrogène bas-carbone, produit par électrolyse à partir d’une électricité peu carbonée – comme le nucléaire –, pourrait être reconnu aux côtés de l’hydrogène renouvelable dans certains dispositifs européens. Une avancée susceptible d’accélérer la structuration d’un marché intérieur cohérent et qui place la France en bonne position grâce à son parc nucléaire. Mais les annonces faites le 28 juillet par Ursula von der Leyen viennent compromettre directement son développement.

Cet accord, bien que non ratifié à ce jour, prévoit un objectif d’achats européens exorbitant d’environ 750 milliards de dollars d’énergie américaine sur trois ans, incluant le gaz naturel liquéfié (GNL), les hydrocarbures, et des dérivés tels que l’hydrogène d’origine fossile.

Une hypothèque sur l’indépendance énergétique européenne ?

Si cet accord venait à être ratifié tel quel, il exercerait une énorme pression sur la politique énergétique européenne, en réorientant une part significative de la demande vers des produits importés des États-Unis au détriment du développement d’une filière industrielle locale d’hydrogène propre ou bas-carbone.

En d’autres termes, on peut craindre que des importations massives d’hydrogène américain – potentiellement produit à partir de gaz fossile avec captation partielle de CO₂ – entrent en concurrence directe avec les projets européens subventionnés, notamment ceux soutenus par la Banque européenne de l’hydrogène. À terme, cela poserait une double question : comment garantir la montée en puissance des électrolyseurs en Europe, si le marché est inondé par les importations ? Et comment sécuriser les investissements industriels si la demande intérieure est captée par des fournisseurs américains qui feront du dumping avec, de surcroît, des énergies aux bilans carbone très discutables ?

Des choix stratégiques à opérer pour éviter l’allégeance

Dans ce contexte, la reconnaissance du bas-carbone par l’Union européenne représente certes une avancée technique, mais elle pourrait être fragilisée si l’essentiel de l’hydrogène consommé en Europe provenait de l’extérieur, sur la base d’accords commerciaux dictés davantage par des considérations géopolitiques que par une vision industrielle de long terme.

Il y a dès lors une contradiction d’envergure d’ordre stratégique : d’un côté, l’Europe affirme sa volonté de construire une souveraineté énergétique autour de l’hydrogène propre. De l’autre, elle prend le risque de dépendre encore davantage des énergies produites aux États-Unis qui gagneraient leur deuxième coup sur l’échiquier énergétique après la destruction des gazoducs russes. La ratification de l’accord en l’état annoncerait un affaiblissement, voire la mort de la filière hydrogène en France et en Europe.

Cela interroge d’autant plus que d’autres partenariats stratégiques – avec la Chine, les pays du Maghreb ou les économies émergentes – pourraient permettre de diversifier les coopérations, tout en renforçant les débouchés économiques et industriels de l’Europe.

Vers un débat démocratique sur les choix énergétiques ?

Pour éviter cette très sombre perspective, il est urgent que les professionnels, les salariés des filières énergétiques se mobilisent en lançant un grand débat démocratique et interpellent les élus et responsables politiques. Car l’accord prévu, au-delà des chiffres affichés, engage les États membres sur des trajectoires énergétiques à forte intensité fossile, avec un impact direct sur les stratégies de décarbonation, de relocalisation industrielle et d’emploi dans la filière hydrogène.

La question doit être posée : l’Europe et la France doivent-elles planifier leur transition énergétique en fonction de leurs propres ressources, technologies et besoins industriels, de la diversification de leurs coopérations notamment avec les autres zones économiques, ou se caler sur des objectifs d’importation fixés ailleurs, au nom des intérêts géopolitiques dictés par Washington qui entend faire payer sa crise par les autres nations ?

La question mérite d’être posée, et elle conditionnera en grande partie l’avenir de la filière hydrogène française et européenne.

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